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Critique de alouett


« Matthias Picard, alors étudiant, fait la connaissance de sa voisine prostituée, la soixantaine, qui entreprend de lui raconter sa vie. Entre autres exploits de son étrange destinée, elle sauve un militaire de la noyade, puis deux petits Algériens des balles de la police française qui tire sur la foule d'Alger en mars 1962. Après diverses tribulations et une déception amoureuse, Jeanine devient la “plus grande prostituée de Strasbourg”, et participe activement au mouvement politique de reconnaissance du “plus vieux métier du Monde” » (synopsis éditeur).

Jeanine est le fruit d'une rencontre entre deux voisins ; en l'occurrence il s'agit de Matthias Picard – auteur de bande dessinée – et de Jeanine – prostituée. C'est aussi la rencontre entre deux générations, celle d'une femme de 64 ans qui répond à la proposition que lui fait un jeune trentenaire (il a également réalisé Jim Curious) de raconter sa vie en bande dessinée. Atypique !

Les six premiers chapitres de cet album ont été prépubliés dans la Revue Lapin.

De fil en aiguille – et à l'occasion des visites régulières que Matthias Picard rend à sa voisine, le lecteur voit également naître une relation d'amitié entre les deux protagonistes. Matthias Picard n'hésite pas à se mettre en scène et à décrire le déroulement des rencontres. Equipé de son carnet de notes et d'un dictaphone, l'auteur écoute le témoignage de Jeanine. Ce sont des moments conviviaux et spontanés durant lesquels Jeanine va parler de son enfance et expliquer la raison pour laquelle, petit à petit, elle s'est tournée vers la prostitution.

Jeanine est fille d'immigrés italiens, elle est née et a grandi en Algérie. A la fin de l'année 1962, ils s'installent en Normandie. Cet exode contraint Jeanine à quitter un emploi très bien rémunéré dans le secteur de l'Aéronautique. Par la suite, elle ne parviendra jamais à retrouver le même train de vie (et la reconnaissance sociale qui en découlait). C'est vers l'âge de 22 ans qu'elle commence à se prostituer (à cette époque, elle est placeuse dans un cinéma de Lausanne). Initialement, la prostitution lui permettait de soutenir financièrement ses parents, les passes étaient très ponctuelles. Puis, au hasard des rencontres, elle fait la connaissance de Manfred. Leurs sentiments sont réciproques et cette relation affective lui fera prendre la route de Nice, de l'Allemagne et de Strasbourg où elle s'installera définitivement vers 22-23 ans. Les relations professionnelles de Manfred lui permettent de décrocher un boulot de strip-teaseuse et de se créer progressivement son propre réseau professionnel.

A plusieurs reprises, l'auteur sollicite Jeanine afin qu'elle respecte une certaine chronologie dans les faits qu'elle rapporte, mais cette femme se livre avec générosité et raisonne par associations d'idées. Son témoignage est généreux et englobe l'ensemble de sa vie, de l'enfance à sa situation actuelle. de fait, le scénario effectue régulièrement des bonds dans le passé, le présent ou un ailleurs dont Jeanine parle au conditionnel… « Avec des si » Jeanine s'amuse à refaire sa vie et à refaire le monde. On est embarqué dans les souvenirs et les petits riens du quotidien. On navigue dans les réminiscences de l'enfance, découvre ses centres d'intérêts et notamment de son attrait pour les courses hippiques, son parcours professionnel quand elle faisait de la natation en compétition (elle arrêtera les compétitions à l'âge de 36 ans) ou qu'elle était comptable. On ressent également la confiance qui unit l'héroïne à l'homme qui s'investit de plus en plus dans son rôle de biographe.

La lecture est entraînante malgré ce dessin un peu crade et cagneux. Les illustrations semblent jetées sur chaque planche malgré une composition assez structurée de la page. le texte des voix-off est écrit en majuscules tandis que l'écriture cursive des dialogues donne un côté enfantin assez surprenant en début de lecture. Cette écriture m'a finalement permis d'imaginer (et de matérialiser) des timbres de voix propres à chaque interlocuteur… ce qui est bon signe lorsqu'on parvient, en tant que lecteur, à matérialiser et investir à ce point le récit. le trait est épais et rond, il donne un petit côté amusé au récit qui n'est pas pour déplaire et qui colle très bien à la personnalité de Jeanine.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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