AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de deidamie


« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je vais vous parler d'un livre embarrassant intitulé Mille petits riens et signé par une autrice nord-américaine, Jodi Picoult.

-Quelle jolie petite fille ! Ca va parler de son enfance ?

-Non. Ou très peu de temps.

Or donc Ruth Jefferson, infirmière en néonatalogie expérimentée et compétente, reçoit l'ordre de ne plus s'occuper du nouveau-né d'un couple de suprémacistes. Hélas, le bébé fait un malaise en présence de Ruth et meurt. Les jeunes parents déposent plainte pour se venger de Ruth tandis que l'hôpital abandonne son employée modèle. Ruth va-t-elle gagner son procès ?

-Oh, une histoire pleine d'injustice et de combat contre les forces du mal comme dans Erin Brockovich !

-Oui, on peut dire ça…

-Mais pourquoi tu dis que le livre est embarrassant ?

-Parce que je suis allée lire les critiques sur Goodreads pour savoir ce que nos amis anglo-saxons en pensaient. J'y reviendrai.

Trois voix narrent l'intrigue, chacune avec son ton, ses mots : celle de Ruth, l'infirmière dévouée qui a passé sa vie à ne pas faire de vagues, celle de Kennedy, qui a passé la sienne à ne pas bien savoir ce qu'est le racisme, celle de Turk, enfant blessé devenu un adulte violent et haineux. L'exercice m'a captivée : la plongée dans l'esprit d'un skin n'est pas de tout repos, ce n'en fut pas moins une expérience intéressante. C'était troublant de lire comment il pouvait se montrer éperdu d'amour, capable de tendresse, tout en commettant des actes de violence affreuse.

Entre les pages consacrées à Turk, répugnant de bête cruauté, et celles de Ruth, touchante de volonté, se trouvent celles de Kennedy, l'avocate : elle représente une Blanche qui ne se croit pas raciste et qui va prendre conscience de ses failles et se remettre en question.

-Mouais. Moi, j'aimerais quand même dire que les répétitions m'ont bien grave ennuyée. Quel intérêt de répéter deux ou trois fois le même bout d'histoire ?

-Ah, ça t'a ennuyée, toi ? Moi, j'ai trouvé que c'était l'une des trouvailles les plus brillantes du roman.

-Ah bon ?

-Mais oui ! J'ai trouvé admirable le travail du point de vue ; il démontre que les faits et la réalité ne se rejoignent pas forcément, loin de là, et que ce qu'on a dans la tête pervertit la perception.

-Et la partie embarrassante ?

-J'ai adoré ce bouquin.

-Ben pourquoi ça t'embarrasse ?

-Parce que je crains d'être victime du phénomène Mille femmes blanches, encensé alors que je l'ai détesté. J'ai cherché une critique négative : je n'en ai pas trouvé. Alors, je suis allée visiter Goodreads, où les avis sont plus nuancés. Certains lecteurs étaient trop choqués par ce qu'ils lisaient et abandonnaient, d'autres pestaient contre ce texte rempli de clichés et de stéréotypes.

Et cela m'a inquiétée : je ne suis pas capable de détecter lesdits stéréotypes, si vraiment il y en a. Tout au plus puis-je reconnaître une patine hollywoodienne dans le déroulement de la narration, une sensation vague de déjà-vu.

Je suis tombée sur une critique qui parlait d'un livre écrit « par une Blanche pour les Blancs ». Je suis assez d'accord : ce roman est rédigé avec un soin tout particulier accordé à la pédagogie, il dit « voilà comment les choses marchent, voilà pourquoi ce n'est pas normal ni sain ». Mais ce livre peut-il être considéré comme un élément de lutte contre le racisme par les Noirs ? Je ne sais pas.

J'ai également éprouvé des difficultés avec le personnage d'Adisa. Son franc-parler m'a plu, mais j'ai eu du mal à comprendre ses choix de vie. Ruth souhaite s'élever dans la société et offrir une vie meilleure à son fils. Adisa ne semble pas encourager le travail chez ses enfants et vivote comme elle peut. Est-ce « blanc » que de vouloir étudier, se sortir de la pauvreté et exercer un métier valorisant ? Ou refuse-t-elle de le faire pour ne pas intégrer une société trop blanche, justement ? Lui accorder plus de parole à ce propos aurait livré un autre point de vue intéressant et instructif sur la question du racisme et des façons d'y résister.

-Moi, ce qui m'a gênée, c'est le coup de théâtre.

-Oui, nous sommes d'accord, il n'était ni subtil, ni crédible, il est vrai. Juste cathartique.

Quoi qu'il en soit, Mille petits riens représente un splendide jeu d'écriture engendrant des émotions variées et complexes. Cette fiction pousse à s'interroger sur soi et sur la réalité. Il est bien parti pour devenir mon roman préféré de l'année. »
Commenter  J’apprécie          573



Ont apprécié cette critique (47)voir plus




{* *}