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Critique de ManouB


Il s'agit d'un premier roman. Il a le mérite de mettre au jour une page de l'Histoire du pays, dont on parle très peu car elle est encore considérée comme taboue en Italie.
Autant dire que ce livre m'a beaucoup émue.
L'histoire débute en 1940 en Libye, alors colonie italienne.
Trois soeurs, Sara 9 ans, Angela 7 ans et Margherita 5 ans vivent heureuses avec leurs parents. La famille est pauvre mais survie en travaillant beaucoup. Les enfants vont cependant à l'école. Elles aiment la nature et désobéissent à leur mère pour aller sur la plage en pleine nuit, voir naitre les petites tortues. le seul livre qu'elles possèdent s'appelle "Les trois petits cochons" autant dire qu'elles le connaissent par coeur.
Les vacances d'été arrivent et les chemises noires imposent aux parents de se séparer de leurs enfants pour trois mois. Les petites filles, comme tous les enfants du village, sont alors envoyées en Italie dans ce qu'elles croient être une colonie de vacances.
Mais elles vont très vite déchanter car ce camp s'avère être un camp très strict, quasi militaire. Mis en place par les fascistes avant la guerre, les fillettes se retrouvent dans la célèbre tour Balilla, située sur la côte toscane.
Là-bas les filles et les garçons, dans des camps séparés, sont soumis à une discipline de fer. On leur rase les cheveux, on leur fait porter l'uniforme. Ils sont divisés en différents groupes et, leur nom est remplacé par un matricule que même les plus petits doivent retenir sous peine de sanctions. Parmi les sanctions, la plus terrible est le "trou" situé quelque part au milieu de la pinède...un endroit d'où les plus récalcitrantes reviennent anéanties.
La tour, de par son architecture, est également très impressionnante. L'escalier central en particulier est vertigineux. le jardin où elles ont le droit d'aller jouer, est plein de recoins et proche d'une pinède qui sépare les enfants de la mer.
Heureusement les soeurs peuvent continuer à se voir et à se soutenir mais ayant toutes les trois un caractère différent, elles ne réagissent pas de la même manière à la discipline du camp et à la propagande fasciste. Sara devient très vite responsable. Angela invente ses propres règles et les appliquent à la lettre quant à la petite Margherita, elle finit par se calmer ce qui inquiète beaucoup ses soeurs qui découvrent que l'infirmière abuse de petits cachets censés la rendre plus docile.
Ce qui avait commencé comme des vacances, malgré les contraintes imposées, avec des repas plus abondants et variés qu'à la maison, des baignades quotidiennes et beaucoup de jeux et de chants en groupe, se transforme très vite en cauchemar quand Mussolini déclare la guerre. Impossible pour les centaines de fillettes du camp de rentrer chez elles en Libye à la fin des vacances scolaires. Elles sont désormais "prisonnières" à des kilomètres de leurs parents. Malgré les nombreuses lettres qu'elles envoient pour donner de leurs nouvelles, aucune n'arrive de Libye...
Leur mère les a t-elle oubliées ?
D'abord je tiens à préciser que ce camp a réellement existé. J'ai aimé que ce roman mêle la petite histoire de ces trois soeurs à la grande Histoire. Cela m'a donné envie d'en savoir plus sur ce camp fasciste très peu connu, ce pan de l'Histoire italienne et bien entendu, sur la Libye.
Près de quinze mille enfants du "quatrième rivage"(c'est ainsi qu'on appelait la Libye) ont été envoyés dans ces camps et confiés à la GIL. La GIL (Jeunesse italienne du Licteur) remplace depuis 1938 l'ONB (ou Oeuvre Nationale Balilla). C'est une organisation de Jeunesse qui vise à "réorganiser la jeunesse d'un point de vue moral et physique" c'est à dire, vous l'aurez compris à s'occuper des enfants dès 5 ans, pour les endoctriner.
[...]
Le roman est très réaliste, étayé d'extraits de coupures de journaux de l'époque, de citations permettant de s'ancrer dans l'histoire. le style est simple et la lecture fluide.
Le lecteur sait très bien que ces petite filles n'ont pas réellement existé individuellement parlant, mais tous les faits décrits, les conditions de vie, la discipline, l'embrigadement, les conséquences de la guerre et les suites sont réels. L'auteur cite précisément ses sources documentaires.
C'est un livre émouvant parce qu'il nous parle de l'amour indéfectible qui unit les trois soeurs, malgré le contexte. La promesse faite à la mère par Sara sera lourde à porter et pourtant, oh combien utile à leur survie. Cet amour les aide à construire, malgré l'éloignement, leur identité de libyennes et les aide à tenir malgré les drames. Les documents de l'époque attestent que les fratries n'ont pas été séparées dans les camps.
Le roman ne cache rien des trahisons internes, des injustices (le règlement pour les enfants des colonies n'est pas le même que celui des petites italiennes d'origine, pareil pour l'enseignement et les salles de classe), du racisme entre enfants de colons et libyennes, des arrestations (comme celle De Mari, une des surveillantes opposée au régime, qui va bouleverser leur existence), de la traque des enfants juifs qui n'ont pas le droit d'être là et disparaissent mystérieusement pour un lieu inconnu.
Il ne cache rien non plus de l'après-guerre et des actions mises en place par les associations humanitaires. Cela fait froid dans le dos !
C'est un livre qui se lit d'une traite tant le lecteur veut en connaitre le dénouement et ensuite en savoir plus sur cette triste page de la Seconde Guerre mondiale. de plus l'histoire est découpée en grandes parties et en chapitres et s'étale des années 1940 à 1947, date de la fin de la domination italienne en Libye, ce qui facilite sa compréhension.
Chronique encore plus complète sur mon blog...
Lien : https://www.bulledemanou.com..
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