AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Presence


Ce tome contient les épisodes 1 à 6 de la série commencée en 2013. le scénario est de Brian Posehn et Gerry Dugan, les dessins et encrage de Tony Moore, et les couvertures de Geoff Darrow. Cette série a été relancée dans le cadre de l'opération "Marvel NOW", la précédente ayant été écrite par Daniel Way. Cette histoire peut être lue sans connaissance particulière de Deadpool.

Michael (un nécromancien, habillé d'un uniforme du SHIELD, avec un kilt) a décidé de ramener à la vie les présidents des États-Unis grâce aux incantations contenues dans un vieux grimoire, pour qu'ils sauvent le pays de l'état de déchéance dans lequel il se trouve. Problème ; les présidents morts estiment que l'état de déliquescence de la nation est imputable aux américains eux-mêmes, qu'ils décident d'éradiquer. Captain America ayant été photographié en train de décapiter Harry Truman, le SHIELD préfère lancer une opération clandestine, plutôt que de risquer d'autres images aussi catastrophiques pour le moral de la nation.

L'agent Emily Preston a l'idée d'engager Deadpool après l'avoir vu massacrer Franklin Delano Roosevelt en zombie, dans sa chaise roulante. le carnage peut commencer. Mais rapidement, Deadpool se met à avoir des visons du fantôme de Benjamin Franklin, et l'agent Preston se rend compte qu'elle a besoin d'une aide surnaturelle pour trouver comment lutter efficacement contre ces zombies tenaces. Un expert en sciences occultes : Stephen Strange.

Avec chaque nouveau scénariste, le personnage de Deadpool est à réinventer. Posehn et Duggan ont choisi de conserver la composante d'ultraviolence, l'humour noir, l'action débridée et les remarques destinées au lecteur. Première approche de cette nouvelle série : les couvertures de Geoff Darrow. On peut toujours compter sur lui pour ne pas lésiner sur les détails Combien de douilles de cartouche a-t-il bien pu dessiner sur la couverture ? 100 ? 200 ? Et pourquoi ce monstre avale-t-il 13 chats ? Un flamand rose sur une défense d'éléphant ?

Deuxième étape de la découverte de cette nouvelle série : les dessins de Tony Moore. Il s'agit d'un dessinateur dont le style est assez réaliste avec une bonne capacité pour exagérer les expressions des visages et faire ressortir le gore et les moments comiques. Les responsables éditoriaux ont fait le bon choix avec ce dessinateur car sa compétence apporte un coté humoristique qui porte une bonne partie de la série quel que soit le niveau du scénario. Dans la première page, les images convainquent le lecteur qu'effectivement il y a quelque chose de pourri aux États-Unis et que les citoyens en sont responsables. Il n'y a qu'à voir ce redneck en surplus militaire s'en prendre à un rasta dans un bureau de vote pour comprendre le sous-entendu relatif au racisme, mais aussi à l'extrême droite militariste, et à l'usage de la drogue associé au style de vie rasta. À la fois le lecteur saisit ces sous-entendus stéréotypés, et à la fois il comprend qu'il s'agit d'une caricature humoristique.

Le premier affrontement oppose Captain America (droit dans ses bottes) au Nécromancien. Captain America apparaît à la fois vertueux et moralisateur, mais aussi prompt à s'emporter contre la stupidité du Nécromancien. Ce dernier a une tenue à la fois ridicule (kilt et justaucorps du SHIELD) et révélatrice d'un amalgame de croyances new age. Ainsi Moore va donner vie à des personnages improbables et attachants. Impossible de ne pas ressentir d'empathie pour la pauvre agent Preston, son corps bien en chair, ses mimiques montrant qu'elle est coincée avec une mission impossible à réaliser, et son autoritarisme. Deadpool dispose d'un corps plutôt élancé, au lieu d'être hyper musculeux. Il a souvent le sourire aux lèvres, et ses cicatrices ne sont pas belles à voir (plaques de peau manquante laissant voir les muscles en dessous).

Moore prend visiblement plaisir à représenter la violence parodique exigée par le scénario, à la fois de manière réaliste, et à la fois avec un humour bien noir. Un exemple suffira : dans le premier épisode, Deadpool sort du ventre d'un gros monstre pas beau en lui tranchant le ventre de l'intérieur. Il est couvert de boyaux et ruisselant de sang. C'est bien crade, avec un effet humoristique généré par l'énormité de la situation, c'est gore et énorme. Moore s'amuse également beaucoup avec les mimiques des présidents morts, en train de charcuter ou d'exterminer des américains moyens qu'ils estiment indignes de vivre dans cette glorieuse nation (ou Deadpool). Il faut voir la mine fermée et sévère d'Abraham Lincoln se battant contre Deadpool sur un ring.

Brian Posehn (acteur et comédien) et Gerry Duggan (scénariste pour la télévision) ont une vision claire de ce qu'ils souhaitent faire avec le personnage. Ils partent d'une idée loufoque où tous les présidents morts des États-Unis sont réanimés en tant que zombies, avec l'idée de tuer tous les américains, parce que responsables du déclin de la nation.

Le récit dispose d'une logique interne solide qui exige du lecteur d'accepter 2 principes sortant de l'ordinaire. (1) le pouvoir de récupération de Deadpool lui permet de récupérer de tout, à tel point qu'il saute d'un avion en plein vol sans parachute pour s'écraser au sol sachant qu'il aura regagné sa santé en 5 minutes, ou qu'un président mort lui tire une balle en pleine tête à bout portant, sans le tuer. (2) C'est pour rire, c'est-à-dire que Posehn et Duggan s'autorisent à user de l'absurde, envoyant valdinguer le possible et l'impossible. Ils ne le font pas souvent (2 ou 3 fois) mais dans ce cas, le lecteur est prié d'accepter l'issue de la scène comme ça, sans exiger de logique autre que celle de l'absurde.

Posehn et Duggan sont du genre à accumuler les vannes plus ou moins drôles, jusqu'à ce que l'accumulation de bonne et humeur et de piques finissent par l'emporter sur la qualité... et ça marche. Impossible de ne pas sourire devant une telle verve, un tel flux. D'autant qu'ils ne se contentent pas de débiter de la blague au kilomètre (sur les petites manies des présidents, passées à la postérité), ils poussent jusqu'au bout la situation de départ de ces présidents commettant des actes terroristes avec une exubérance de maniaque. Ils tapent dans plusieurs registres de comique : situation (Deadpool éventré sur une défense d'éléphant, attention ça tâche), comportement (Deadpool déguisé en Marylin Monroe, hautement transgressif et répugnant), dialogues (attention ça vanne à tout va), caractère (Stephen Strange hautain et méprisant vis-à-vis de Deadpool, très bien vu), sans limites (Deadpool dans l'espace, indispensable), joueur (Deadpool s'adressant directement au lecteur), etc. Il est juste possible de leur reprocher des blagues qui ne volent pas toujours très haut, et une forme de répétition dans les situations (en particulier Deadpool débitant des présidents zombies avec des armes qui ne lui permettent pas de les tuer).

Dans le cadre de la relance "Marvel NOW", Brian Posehn, Gerry Duggan et Tony Moore jouent le jeu en proposant une approche un peu différente du personnage Deadpool, accessible aux nouveaux lecteurs, drôle, violente et gore, politiquement incorrecte, malgré une ou deux facilités dans le scénario.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}