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Critique de berni_29


Comment renouveler le thème de l'adultère, sujet tant de fois traité et parfois avec beaucoup de beauté par la littérature classique ? J'en veux pour preuve Anna Karénine, Madame Bovary, le Diable au corps, Les Liaisons dangereuses... Comment revisiter, réinventer le genre en 2021, - date de parution de ce roman, et lui donner du panache ?
C'est la tentative à laquelle s'est attachée Maria Pourchet avec son Feu qui ne m'aura pas embrasé.
L'attrait de ce roman n'aura pas fait chez moi long feu, dès les premières pages...
Je vous plante vite fait le décor.
Le récit nous invite à suivre deux histoires en parallèle.
Tout d'abord il y a celle de Laure, quarante ans, professeure d'université, mariée, mère de deux filles et propriétaire d'un pavillon. Frustrée à bien des endroits par une vie faite de compromis, elle admire la rage militante qui habite sa fille ainée, Véra. Elle attend sans cesse d'être cueillie par l'étonnement.
Et puis, il y a celle de Clément, quinquagénaire célibataire, surdoué de la finance, cynique, se moquant de la vie, méprisant les femmes et vivant son existence dans sa tour d'ivoire de la Défense comme une longue attente vers la fin de celle-ci.
Nous voyons deux monologues se juxtaposer, se succéder l'un à l'autre jusqu'au moment où... Tiens, comment avez-vous deviné qu'ils allaient finir par se rencontrer ces deux-là ? Il était d'ailleurs grand temps car la banalité du quotidien de ces deux personnages fort peu attachants commençait à me faire bailler.
Donc, ils vont se rencontrer, vous m'arrêtez si je divulgâche le moindre détail.
Le côté facétieux du destin va se charger de transformer cette rencontre fortuite en choc nécessaire. Sacré Cupidon, va !
Mais quelle originalité d'avoir pris comme personnage féminin une enseignante éprise de doute, en quête d'idéal et comme personnage masculin un banquier autocentré et cynique, deux personnages que tout oppose !
Tout ici est convenu. La narration est chargée de clichés, de poncifs, avance sans nuance. Or, vous commencez à me connaître, vous savez ô combien j'aime la nuance, même si parfois je suis le premier à me contredire, vous êtes aussi les premiers à me le faire remarquer lorsque j'en manque dans certains billets, - celui-ci d'ailleurs fera peut-être l'objet de quelques feux décochés de votre part à mon endroit. Mais ici, je vous avoue que ce manque de nuance m'a tellement surpris que je me suis demandé s'il ne fallait pas lire ce livre au troisième degré, si je n'avais pas affaire à une parodie du genre... Saisir la nuance, c'est une qualité littéraire si subtile qu'on finit par l'oublier lorsqu'elle est traitée avec art et délicatesse, mais lorsqu'un ressort narratif comme celui-ci se déroule avec des cavalcades téléphonées et des gros sabots boueux qui laissent des traces jusque sur les pages, je vous assure qu'on n'y croit pas une seconde, qu'on lâche vite le livre pour regarder les arbres tomber dehors et se dire que la nature offre davantage d'imprévus et d'incandescence que les coeurs libidineux des amants en perdition dans cette décennie post-Covid. C'est sans doute pour cela que ce roman manque tant de souffle et peut-être aussi d'humanité.
Se voulant originale, nerveuse, acérée, l'écriture devient vite aussi insupportable que les personnages qui nous sont imposés ici.
Ce livre a pourtant été encensé par la critique, une certaine critique. Snobisme parisien ? Posture ? Imposture ? Dieux ! Que c'est devenu fade la manière d'arpenter en cette époque dite moderne les chemins buissonniers et vertigineux de l'amour livresque, capables de transpercer et brûler les coeurs des lecteurs éperdus !
Je pense qu'Emma Bovary, Anna Karénine, Thérèse Raquin, la marquise de Merteuil et tant d'autres égéries de la grande littérature doivent se retourner ce soir dans la tombe de l'imaginaire incandescent et somptueux.
Feu, il est heureux que je sois contre les autodafés et ce n'est pas parvenu à un âge respectable que je vais commencer à changer d'opinion, car sinon ce livre aurait vite fait de rejoindre l'antre de mon poêle à bois, la seule incandescence qui prévalait durant ma lecture.
Feu, sera-ce donc à bout portant et sans concession ? Presque et dans ce presque il y a le désir meurtri d'un lecteur resté au bord du gué et qui venait vers ce récit avec l'ivresse de l'escalier que l'on monte pour la première fois... Sans concession ? Non pas pour l'autrice que j'avais grande hâte de découvrir ici, - lecture du reste conseillée par une des bibliothécaires de ma médiathèque préférée, non il s'agit bien de cette lecture qui m'a laissé sans voix, sans voie aussi, éteint. Ce n'est qu'un ressenti un peu solitaire posé parmi quelques braises...
Quelque auteur prochain saura-t-il réanimer la flamme mouillée d'un lecteur inconnu, pour ne pas dire la mèche ?
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