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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Billy the Kid's Old Timey Oddities qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. Il contient les 4 épisodes de la minisérie initialement parue en 2010, écrite par Eric Powell, dessinée et encrée par Kyle Hotz, avec une mise en couleurs de Dan Brown. Les 3 histoires consacrées à cette incarnation de Billy the Kid ont été rééditées dans Billy the kid's Old timey oddities omnibus.

Dans le quartier de Whitechapel à Londres, vers la fin du dix-neuvième siècle, un individu égorge des prostituées (oui, ça évoque vaguement une affaire de meurtres en série non résolue). Fineas Sproule, Billy the kid, Isadora Mavrites, Adlwin Callahan, et Jeffrey Tinsle pénètrent dans un hôpital pour rendre visite à Joseph Merrick, individu atteint d'horribles difformités (également connu sous le sobriquet d'homme éléphant).

En sortant de l'hôpital, Fineas Sproule et Billy vont prendre un verre au pub du coin. Ils sont abordés par le docteur H.H. Holmes qui leur paye un verre et ils discutent de cette vague d'assassinats, pour laquelle la populace s'accorde à dire qu'ils ont été commis par un monstre. Billy finit par sortir pour aller se payer une prostituée. Les murs oscillent autour de lui, et il se retrouve dans une ruelle avec un individu simiesque, un couteau ensanglanté à la main, jurant ses grands dieux que ce n'est pas lui le meurtrier.

Le premier tome avait établi la nature de la narration : de l'horreur parodique, empruntant aux classiques du genre. Dès la première page, le lecteur a compris qu'il va être question des meurtres de prostituées de Whitechapel, et donc de Jack l'éventreur. Quand Fineas Sproule annonce qu'ils rendent visite à un certain Joseph, il n'y a pas beaucoup de doute quant au fait qu'il s'agit de l'homme éléphant. L'arrivée du docteur HH. Holmes fait appel à une référence qui sort un peu des sentiers battus : le boucher de Chicago, mais aisément identifiables pour les amateurs (voir par exemple The Beast of Chicago de Rick Geary, le boucher de Chicago de Robert Bloch). Un individu à l'apparence simiesque à cette époque : pas de doute non plus, c'est l'alter ego d'un autre docteur.

Les auteurs s'amusent donc bien à intégrer dans cette version légère de Jack l'éventreur, d'autres personnages de la même époque, un peu comme l'ont fait Alan Moore & Eddie Campbell dans From Hell, mais sans aucune prétention historique ou analytique, encore moins une approche holistique. Il s'agit pour eux d'évoquer ces personnages et de s'en servir pour bâtir leur intrigue. le lecteur retrouve donc 5 protagonistes de la première histoire. Aldwin Callahan fait surtout de la figuration chronique, dans un second rôle sans développement de sa personnalité. Il en va de même pour la troublante femme tatouée Isadora Mavrites qui montre une réelle compassion pour Merrick. Néanmoins, Powell a tôt fait de lui faire jouer le rôle de l'otage (pas très adroit de l'attribuer au seul personnage féminin). Jeffrey Tinsle a le droit a peu plus de répliques, mais sans développement de sa relation particulière avec Billy the Kid.

Il reste donc Fineas Sproule dont les interventions servent avant tout à faire avancer l'intrigue, là encore sans réel développement de sa personnalité. Billy dispose d'un peu plus de caractérisation, à commencer par son recours sans hésitation aux services d'une prostituée, à sa propension à tirer dans le tas. Powell fait un effort un peu plus important pour étoffer Joseph Merrick, en lui conférant une sorte de résignation lucide, par le biais de remarques posées et pénétrantes.

L'intérêt du récit réside alors essentiellement dans ces références à des personnages historiques ou de fiction, et dans l'intrigue. Dans un premier temps, il s'agit d'essayer d'anticiper la révélation de l'identité de Jack l'éventreur. Mais ce jeu avec le lecteur reste embryonnaire, et glisse vers la question des particularités de cette version du docteur Jekyll et de Mister Hyde.

Pourtant l'intérêt du lecteur est maintenu par un bon niveau de divertissement, grâce à la qualité des dessins de Kyle Hotz. Cet artiste a commencé en imitant le style de Kelley Jones, lui-même fortement influencé par Bernie Wrightson. Mais les traits de Jones ne présentent pas la finesse de ceux de Wrightson, et ceux de Hotz ne contiennent pas de beaux aplats de noir ténébreux à souhait comme ceux de Jones. Cependant dès la première page, le lecteur contemple une reconstitution des rues de Londres très réussie. le pavé luit d'humidité et les murs suintent. Les fumerolles des cheminés semblent habitées par des forces qui les distordent.

Son interprétation des difformités de Joseph Merrick n'a rien de réaliste, mais génère un mouvement de recul, de par son originalité et l'horreur de la situation physique de ce monsieur. Pour les meurtres de prostituées, Hotz ne s'attache pas à une exactitude clinique, mais à l'impression donnée. Il y a bien sur des giclées de sang pour rendre compte de l'effet de la pression artérielle sur ce fluide ainsi expulsé des vaisseaux dans lesquels il est normalement confiné. Les coupures sont brutales au point de décoller la tête du tronc, avec quelques traits pour figurer la vertèbre devenue apparente.

Dans le cadre d'un dessin en pleine page avec plusieurs cadavres dans une sombre ruelle, l'artiste réalise un dessin en vue du ciel, avec des tâches d'encre permettant de juger de la manière dont les cadavres ont été secoués, avec quelques membres éparses attestant du plaisir sadique à les couper ou à les arracher. Il représente également quelques intestins sortis de leur logement, sans luxe de détail, mais sans qu'il soit possible de s'y tromper. L'effet global est saisissant. Il y a également un coup de revolver tiré à 2 mètres sur un crâne, avec une projection de matière cervicale du plus bel effet.

De séquence en séquence, le lecteur apprécie la consistance des décors. Il peut s'agir d'un niveau de détails impressionnants, telle qu'une rue où il ne manque pas un pavé sur la chaussée, et pas une brique dans les murs. Il peut s'agit d'un intérieur avec de nombreux accessoires, tel que le laboratoire du bon docteur avec toutes ses cornues. Il peut s'agir d'un simple accessoire qui sort du répertoire générique habituel pour présenter des spécificités d'époque, comme une commode ouvragée en bois, ou encore un coussin avec des pompons.

Kyle Hotz introduit une légère exagération dans la façon de croquer les visages il joue à la fois sur des zones d'ombre qui deviennent expressionnistes, parce qu'exagérées par rapport à la source de lumière ou à la luminosité, et à la fois sur des petits traits secs qui marquent la peau pour un effet vieillissant, à l'opposé d'un visage lisse, jeune et sans souci. Il peut également légèrement accentuer un menton ou un nez, l'arrondi d'une moustache, et assez régulièrement l'écarquillement des yeux (pour montrer l'horreur). La dentition de mister Hyde est pas mal non plus.

Cette deuxième aventure consacrée à Billy the Kid et aux monstres de foire dont il a rejoint le cirque emmène le lecteur dans le Londres de Jack l'éventreur, avec pavés mouillés, rasoirs tranchants, et prostituées égorgées et mutilées. Il ne s'agit en rien d'une reconstitution historique, mais plus d'une histoire jouant avec les références, l'éventreur bien sûr, mais aussi le tueur en série HH. Holmes, et quelques figures romanesques de l'époque. Sur la base de ces références, les auteurs construisent une intrigue originale qu'ils mènent à bien, en la traitant au premier degré. La révélation finale (pas celle de l'identité de Jack l'éventreur) tombe un peu à plat.

Powell et Hotz combinent avec dextérité le premier degré du récit, l'horreur des meurtres et une forme de parodie (la démesure des monstruosités de Joseph Merrick, ou le comportement très désinhibé de Billy the Kid). Chaque dimension du récit n'est pas assez développée et poussée pour emporter l'enthousiasme du lecteur, mais la somme des parties se révèle très divertissante.
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