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Critique de DianaAuzou


J'ai encore entre les mains le Scénar que Philippe m'a remis il y a quelques jours et que j'ai parcouru d'un bout à l'autre. Je m'attendais, c'est pour ça d'ailleurs que je l'ai accepté, à y trouver ma carrière de star tant rêvée. Ce ne fut que le Crépuscule des stars.
Les étoiles ne m'avaient pas prédit tout ça et, comme je refusais de voir la vérité, je me suis rebellée contre les étoiles, et pour le lire je me suis assise dans le fauteuil qui portait mon nom : Star Stalker.
Ça commence par un Avertissement qui met le lecteur tout de suite dans l'atmosphère et souligne, sans l'imposer, mais quand même pour la lui faire accepter, une réalité fictive que le lecteur devrait aimer. "Ce livre n'est pas très sérieux car il s'y propose de s'amuser", dit-il, et jongler, dirais-je, avec la fiction et la réalité, et comme ce n'est jamais deux sans trois, me voici entrée dans le jeu avec ma part de jeu, avec mes rêves, si j'en ai encore quelques uns, avec mes illusions, s'il m'en reste encore quelques unes, avec l'ambiguïté ou l'équivalence je - jeu, sans le prendre pour un bégaiement encore moins pour une hésitation.
Deux frères jumeaux trouvent une clé USB qui contient un scénario et ce scénar est forcément une histoire, un voyage, ou si vous voulez un road-movie dans une VELOREX, une espèce de voiture tricycle, faut le faire ! Multiple mise en abyme pour commencer, faut suivre, surtout le dialogue directe pas très clair. Pour le rendre clair l'auteur s'adresse à nous lecteurs et le résultat est encore moins clair. Il l'a fait exprès ou quoi ?
Le roman est de toute façon une abstraction, à moi de m'y promener et y trouver quelque chose, sans peur de son labyrinthe où je me perds pour me retrouver et me perdre encore, et sans me sentir plus avancée. Un porte s'ouvre, une autre se ferme, caché-dévoilé, je vois Lubitsch sourire, à la limite de s'esclaffer.
One more for the road. Je me prends au jeu avec une conviction certaine et suis les pas de ce professeur MacGuffin. C'est qui ce professeur ? ah MacGuffin, ok il n'y a donc pas de professeur.
Et puis il y a cette voix off qui va un peu trop vite et ne me laisse pas le plaisir d'écouter la voix d'Olivier, le personnage du scénar, voix révoltée, en colère contre cette société d'obsolescence programmée où tout se détériore si vite. Qu'est-ce que j'aime cette voix. Je l'aime ce personnage. Il n'est pas réel, vous dites. Je l'aime quand même. Je ne suis pas parfaite, "perfection is not lovable", et comme ça j'évite de re-re-citer la dernière phrase de Some Like It Hot.
Le monde du cinéma, de l'illusion où le celluloïd devient or massif ou un amour depuis longtemps cherché, je me retrouve jeune fille et même si ça fait belle lurette que c'est parti je déguste le moment avec délice et vis ce bon vertige de sentir que la vie peut être comme dans les films. "L'art est un mensonge qui dit la vérité", disait Pablo.
Les personnages rêvent aussi , leurs rêves et leur réalité créent notre rêve de lecteur-audience, notre autre vraisemblance. Et on y croit. Je vois Maître Hitchcock secoué de rire devant notre hurlement d'effroi quand pauvre Janet Leigh se fait assassiner.
Je passe en fondu enchaîné vers un GPS qui indique la bonne route à prendre comme s'il n'y en avait qu'une seule, peut-être pour éviter le champs de blé car là-bas il y a la Mort aux trousses (Truffaut n'arrivait jamais à dire North by Northwest, les points cardinaux, pas très important).
Et ce personnage qui revient sans arrêt, avec son imper et son chapeau mou, entre ombre et brouillard, un Troisième homme, le Criminel ou juste un Touch of Evil ?
Ombres et lumières, plongées et contre plongées, chacun des personnages et de nous lecteurs tient en main un attribut qui le rassure car c'est ce qui le caractérise et pourtant, si le coeur lui dit, il se lance trouver la voie de l'émotion intellectuelle qui fait la rencontre entre révolte et amour, destruction et création.
Jeu incessant des apparences dans la folie d'un carnaval où les masques dévoilent une autre Gilda, ou dans les miroirs qui nous déstabilisent avant de nous faire voir la vérité sur la Dame de Shanghai, ou alors dans le reflet de l'épée du bourreau où l'agent X27 se coiffe pour la dernière fois . le sens se perd ou se dévoile-t-il ? La vérité joue à cache-cache avec nous.
Quand je pense à la vérité, je me dis que je lui enlèverais l'article défini, lui enlevant ainsi la certitude dont elle s'est toujours défendue, pour lui laisser la souplesse de vivre dans la singularité. Je l'ai déjà dit, je me répète, tant pis.
J'entends de nouveau la voie d'Olivier en rage contre ce capitalisme libéral qui nous enlève notre liberté et notre dignité. I'm not a number !
De temps en temps un groupe de trois petites étoiles, toujours trois et toujours étoiles, fait le passage à niveau sans barrières vers le scénar et du scénar vers les trois lecteurs.
Jeu de toiles et d'étoiles, chutes d'étoiles.
Le jeu incessant des apparences peut donner le vertige, installer un vide ou laisser un grand rien, c'est fascinant, ce n'est pas tragique, c'est une liberté acquise, car sans le vide on ne voit pas grande chose, et le rien c'est res, une chose, et ça c'est quelque chose !
Des chimères, peut-être, mais chacun sa chimère, nous dit Baudelaire. La vie est un théâtre, le monde est une scène et nous des comédiens-acteurs, et Will vient se joindre à nous.
Philippe, je disais, m'a proposé la lecture et une critique (comme il se doit) de son Scénar que j'ai accepté avec plaisir celui qui naît devant une telle proposition et la curiosité de la découverte. A la fin de la lecture j'ai eu la joie rafraîchissante, profonde, jubilatoire et nourrissante des rêves que je fais encore et des illusions que j'aurais aimé garder, et des clins d'oeil dont l'irrésistible invitation à prendre les chemins des écoliers a sérieusement ralenti la lecture, sans regret aucun, bien au contraire.
Make them laugh, make them laugh, make them laugh ! et on chante sous la pluie !
L'image artistique a évacué la re-présentation car, pour exister, elle se nourrit de ce que nous lui apportons en tant que regardeurs-lecteurs, et nous nous nourrissons d'elle, de ce qu'elle nous apporte comme rêve, comme voyage, comme échange, comme joie et comme larmes, comme image ailée et non conventionnée du monde et de nous-mêmes, de ce miroir à multiple reflets.
Merci Philippe pour cette histoire non-conventionnée !
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