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Critique de Renod


Renod
15 septembre 2016
Imaginez que le paradis existe et que la liste de mes péchés ait été supprimée suite à un problème informatique indépendant de leur volonté. Au terme d'une vie trop courte, des proches quittés trop tôt et une PAL toujours pas achevée, j'arrive à l'accueil du paradis. Une hôtesse en tailleur sombre me remet un dossier et un bic mordillé et me dit : « remplissez le en caractères bien lisibles et SURTOUT, rendez moi le stylo ». Dans la partie 7.3, je dois indiquer les noms des trois personnes que je souhaite revoir. J'inscris : 1/ ma mémé qui était bien gentille, 2/ mon chien Snoopy qui était bien gentil, il ne mordait jamais que les inconnus, et 3/ par curiosité et un peu par hasard, Marcel Proust.

Je remets mon dossier et j'entre dans le saint du saint, un peu surpris par le nombre de barrières couvertes de barbelés qui donnent à l'endroit un aspect de centre pénitentiaire. J'apprendrai peu après que la luxure, l'alcool et les Smartphones sont interdits dans l'enceinte de l'établissement. Ils sont donc nombreux à vouloir s'enfuir.

Mémé n'est pas dispo, elle écosse des haricots. Elle a le sourire Mémé, elle pense à tous ceux qui lui ont fait des misères et qui vont finir comme ses haricots, bouillis dans une marmite. Elle repense à la tête qu'a fait Pépé quand il a appris qu'il serait privé de vin rouge pour l'ETERNITE ! Ptdr. Snoopy, fidèle à moi-même et à lui-même, après une démonstration de joie toute en bonds, reste mutique, la langue pendante. Il n'a visiblement pas grand-chose à me raconter, bravo. Je pars donc à la rencontre de notre écrivain national. Il se tient au fond d'un salon de thé, le visage blême, la gorge cachée par un foulard couleur crème, et manifestement, il me fait la gueule.

Ayant fréquenté de nombreux auteurs grâce aux "soirées rencontres" Babelio, je ne suis pas impressionné. Je lui lance un « coucou Marcel » histoire de rompre la glace en douceur. Il pose sur moi son regard noir et me lance, essoufflé : « je n'étais même pas dans ton top 6 Babelio, livres pour une île déserte ». C'est mal parti. Je m'assois à ses côté, penaud et je lui rétorque « mais Marcel, c'est pas ce que tu crois et en plus ta note moyenne sur Babelio est de 4.27, t'es un caïd Marcel, t'as fumé Guillaume Musso».

Les plus malins d'entre ceux qui auront eu le courage de lire ce texte jusqu'ici (ça doit plus faire beaucoup de monde) auront deviné que je noie le poisson, que je vous parle de tout sauf du roman. Mais j'ai du mal à parler des belles choses. Et je trouve qu'il serait grossier de disséquer un tel chef d'œuvre, de poser à nu sur une table en plastique ses tripes stylistiques. Je ne prendrai pas de faux airs de prof de français. J'avoue n'avoir saisi qu'une partie des intentions de l'auteur mais par contre, à mon modeste niveau, j'ai grave kiffé le flow de Marcel !

J'ai connu deux échecs avant de venir à bout de ce premier tome de « la Recherche ». J'ai quinze ans, je suis fougueux (plus pour longtemps), je débute le livre et m'arrête dix pages plus tard. En clair, je me suis endormi avant le narrateur… Dix ans plus tard, nouvel essai. J'ai lu cent pages, un long voyage au bout de l'ennui, j'abandonne une nouvelle fois. Dix ans plus tard - bis repetita -, je reprends le roman et je découvre qu'avec un peu d'efforts, je parviens à rentrer la tête la première (c'est une image) dans ces longues phrases et cette ponctuation alambiquée.

Et maintenant ? Ce livre fait toujours partie de moi. J'en conserve des images au fond de ma mémoire, notamment les clochers de Martinville et les haies d'Aubépine. Des personnages la Recherche ont laissé une trace dans mon esprit : Françoise, la Duchesse de Guermantes, Swann, M. Vinteuil et bien d'autres encore. J'ai parfois l'impression de les avoir rencontrés. Et puis il y a cette géographie qui me parle encore : Méséglise, Combray, la Vivonne, et déjà Paris et Balbec.

Si vous n'avez pas lu ce roman, attendez le bon moment et lancez vous. Si vous en aviez abandonné la lecture, offrez vous une nouvelle chance. C'est plus qu'un roman, c'est un univers parallèle dont l'accès demande de petits efforts de lecture. Vous en sortirez marqué et grandi (déclaration non contractuelle).

P.S.: J'ai été un peu long, Marcel aussi : la Recherche détient le record du plus long roman dans le Livre Guinness des records.
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