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Critique de Pois0n


Onze jours ! C'est le temps qu'il m'aura fallu pour venir à bout de ce petit pavé, plus près des 600 pages que des 500. Quatre-vingt-deux histoires, d'une douzaine de pages pour les plus longues à la demi-page pour les plus courtes (la majorité se situant plutôt autour de la moyenne des deux), constituant une sorte d'équivalent chinois au Dictionnaire des Yôkai que le japonais Shigeru Mizuki rédigera quelque trois-cent ans plus tard.

Mais si les deux auteurs manifestent la même volonté d'archiver le surnaturel, leur façon de faire n'est pas la même : là où Mizuki a parcouru le Japon en long, en large et en travers pour répertorier les créatures, phénomènes et anecdotes en un ensemble ordonné, Pu Songling s'en est tenu à un travail de conteur plus manichéen. On retrouve ainsi souvent dans ses textes les mêmes créatures ainsi qu'une dose de morale qui n'est pas sans rappeler les contes classiques occidentaux. Enfin, la plupart de ces anecdotes prennent place dans des lieux connus de lui ou de la personne lui ayant rapporté les faits, qui ne datent au plus tard que d'une génération ou deux plus tôt ; son oeuvre n'est en aucun cas une quête d'exhaustivité mais plutôt celle, comme il se nommait lui-même, d'un chroniqueur.

La version d'origine comportait 431 histoires, mais seules des traductions partielles nous sont parvenues en français. Pour l'intégrale, il faut se tourner vers la version japonaise de 1963 ou l'allemande de 1987... tout une quête en soi, donc. Une édition en deux volumes a bien vu le jour également chez Piquier, mais quid de son contenu ? Ladite édition s'avère totalement introuvable à un prix décent... Bref, la présente sélection en poche de 87 récits demeure pour le lecteur francophone la seule option pour découvrir l'oeuvre à l'heure où j'écris ces lignes.

Les Chroniques de l'étrange rassemblent donc des récits majoritairement surnaturels, mais pas que. Pu Songling a également compulsé toute anecdote sortant de l'ordinaire et c'est ainsi que l'on parle à l'occasion de séisme ou de serpents apprivoisés. Mais la majorité de l'ouvrage s'inscrit soit dans le fantastique, voire le légèrement horrifique, soit, le plus souvent, le merveilleux, où le héros rencontre fantômes et renards pour le meilleur comme pour le pire, où de mystérieux lilliputiens traversent les pièces et où la mort n'est pas toujours définitive. le tout rehaussé par de somptueuses illustrations : presque toutes les histoires possèdent leur propre lithographie, d'un niveau de détail incroyable.
Si chaque récit est bel et bien unique, on trouve néanmoins une certaine redondance au sein du recueil, certaines histoires suivant invariablement le même schéma. Reste que la plupart du temps, l'on ne s'ennuie pas.

Il faut cependant composer avec un style très littéraire pas forcément abordable (surtout à onze heures du soir et sous morphine...) hérité du matériau d'origine, et de très (trop) nombreuses notes de bas de page, dans les faits rarement utiles. J'ai rapidement fait l'impasse sur celles-ci pour les lire à la fin de l'histoire, sans rien y perdre en termes de compréhension. Certaines éditions s'en sont volontiers passées et on comprend pourquoi...

Côté édition, il y a justement des choses à dire, à commencer par un nombre relativement important de coquilles en vadrouille, plus particulièrement dans la seconde moitié du livre. On notera également une traduction à deux vitesses qui gâche un peu l'ambiance, certains noms de lieux et personnages ayant été mystérieusement francisés, là où ailleurs les notes de bas de page suffisent très bien à expliquer l'origine desdits noms. Enfin, l'ouvrage ayant été imprimé sur du papier à cigarettes, la transparence de celui-ci rend très régulièrement la lecture inconfortable, qu'il s'agisse de texte recto/verso ou, pire, des illustrations...

Au final, si tout n'est pas parfait, la lecture de l'oeuvre de Pu Songling demeure un incontournable pour tout amateur de folklore.
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