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Critique de JeffreyLeePierre


Quel jeu de massacre !

Qu'ils soient riches ou pauvres, nobles ou roturiers, prélats, commerçants, brigands… la galerie de personnages ne laisse place qu'à la mesquinerie, la bêtise, la méchanceté, l'ivrognerie, la luxure… Pas un seul, y compris le narrateur, n'a la moindre qualité. Sauf à prendre l'astuce et l'art de rouler son prochain dans la farine pour des qualités. Et la seule générosité est celle, tarifée, des prostituées. Au premier chef, la propre mère du narrateur. Bref, tous y passent, un véritable carnage.

Les seuls qui ne cherchent pas à tirer profit de leur prochain sont justes présentés comme des abrutis (notamment son ami d'enfance) ou un fou : il y en a un gentiment dérangé, le seul personnage presque sympathique, rencontré « sur la route d'Alcala à Ségovie en s'arrêtant à Rejas ».

Et donc, après nous avoir avantageusement présenté sa famille (cf plus haut), le narrateur dépeint d'abord les conditions misérables de l'éducation en pension ; puis les coupes-bourses que sont les auberges ; la méchanceté des étudiants ; un prélat vagabond, poète et joueur ; la petite société des nobliaux désargentés madrilènes et leurs combines pitoyables ; la férocité gratuite des grands… Un petit tour en prison, aussi, dont il sort grâce à la corruption généralisée du système judiciaire, du gardien au juge. Un passage dans une troupe de comédiens, un autre sous le fenêtres d'un couvent, décrit comme le lieu de rencontre de tous ceux dont la préoccupation est de séduire une nonne… Bref des tribulations qui sont autant de prétextes pour ridiculiser tous leurs protagonistes.

Bien qu'il y ait controverse, c'est apparemment une oeuvre de jeunesse (et le seul roman) De Quevedo. Parce qu'il faut pas mal de fougue pour se livrer à un tel dézinguage systématique, et pas mal d'inconscience pour le faire dans l'Espagne du siècle d'or mais aussi de l'inquisition. D'ailleurs, Quevedo n'a pas souhaité sa publication, et l'a prudemment renié lorsqu'il a été imprimé vingt ans après avoir été écrit. A vrai dire, connaissant peu les mentalités de cette époque, je ne saurais dire ce qui était le plus dangereux dans cet ouvrage. le fait de considérer les prélats et les nobles (de haut lignage mais surtout ceux de plus basse extraction) comme des vermines ni pires ni meilleures que les autres ? de montrer ouvertement son absence d'un quelconque respect à l'égard de la religion ?

Je crois que je l'ai lu un peu vite, et je me suis du coup trop vite habitué à toutes les horreurs qu'envoie Quevedo comme sans y penser, au détour de petites notations ou seulement dans les situations décrites. Il y a une liberté de ton un peu effarante par rapport à ce qu'on imagine du contexte historique dans lequel il a été écrit. Mais comme il est court, je le relirai certainement.

Note: cette version est la traduction qu'en a fait Rétif de la Bretonne, en fin du XXVIIIème siècle donc. Je ne suis pas certain que ce soit la plus proche du texte complet original, mais elle est plaisamment écrite.
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