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Critique de Atarah


Si Les Épis mûrs n'est pas le chef-d'oeuvre de Lucien Rebatet, qui le présenta lui-même comme un livre de circonstance fruit d'un travail fade, il n'en reste pas moins un riche et passionnant document sur la vie musicale française au début du siècle, et surtout une étrange métaphore biographique. Comme Rebatet, Tarare est né, a vécu et est mort dans l'incompréhension d'autrui. Les deux hommes sont issus de milieux bourgeois et bornés allergiques aux beaux-arts ; ils passent leur jeunesse enfermés dans des internats malsains et traumatisants ; ils découvrent un Paris fascinant et bouillonnant mais sont fauchés par l'Histoire au moment où leur talent allait prendre son envol. Tarare meurt au front et Rebatet se perd dans une politique qui le conduira presque à l'échafaud. Ils n'ont pas la postérité tant espérée dans l'histoire de leur art : le premier meurt dans l'anonymat des tranchées, le second finit dans l'opprobre voué aux proscrits de l'épuration. Paradoxalement, c'est dans leurs disciplines réciproques qu'ils trouvent une certaine postérité. Pierre Tarare, personnage fictif, n'existe que par le roman que Rebatet a écrit à son sujet, il est donc une création authentiquement littéraire. À l'inverse, Rebatet reste un méconnu de la littérature, mais il est considéré comme une autorité atypique dans le monde de la musique. Malgré toutes les irritations qu'elle provoque par sa partialité et ses engagements tranchés, son Histoire de la musique est l'un des ouvrages de ce type les plus répandus avec celle d'Émile Vuillermoz. On peut donc lire Les Épis mûrs comme une justification métaphorique, où le romancier tente d'excuser son passé tumultueux en dessinant le portrait d'un artiste « désaxé » qui s'est perdu dans l'Histoire, et a détruit son talent au lieu de respecter sa mission artistique, qui était celle de la tolérance et de la pure création.
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