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Critique de colimasson


La question que se pose le bouquin est la suivante : « Comment éliminer l'anxiété de plaisir orgastique des individus à l'échelle collective ? »


Reich considère que l'homme instinctuel est bon. Rien à foutre de la théorie de la culture de Freud, comme quoi il aurait fallu mettre de côté l'envie de tuer, de violer, et le reste. Reich relève au contraire une contradiction majeure dans la théorie de Freud : «: d'un côté, l'enfant doit refouler ses pulsions pour devenir capable d'adaptation culturelle ; d'un autre côté, il acquiert, par ce processus même, une névrose qui le rend derechef incapable de développement culturel et d'adaptation, et finalement antisocial. »


Selon Reich, la vie serait très simple si on n'empêchait pas la vitalité naturelle de chacun de se déployer. Mais pourquoi cela ne se passe-t-il jamais ainsi ? pourquoi qu'on jette le bébé (la vitalité) avec l'eau du bain (ses débordements) ? Parce que la morale se transmet de génération en génération : elle brime les nouveaux venus, les maintient dans la peur, dans la rigidité fonctionnelle et dans l'insatisfaction, et cette structure, intégrée dans le plus jeune âge et rendue inconsciente, se reproduit sans cesse, parce que les frustrés ne s'autorisent plus que ce seul plaisir de la morale. Des sadiques quoi. Ouais, Pour Wilhelm, ce serait très simple si on laissait les instincts naturels s'exprimer sans jugement :


« L'individu sain n'a pratiquement plus de moralité en lui, car il n'a pas de pulsions qui appellent l'inhibition morale. […] le rapport avec une prostituée devient impossible ; les fantaisies sadiques disparaissent, attendre l'amour comme un droit ou même violer le partenaire devient inconcevable, ainsi que l'idée de séduire des enfants ; les perversions anales, exhibitionnistes ou autres disparaissent, et avec elles l'anxiété sociale et les sentiments de culpabilité qui les accompagnent ; la fixation incestueuse aux parents, frères et soeurs perd son intérêt, ce qui libère l'énergie liée dans ces fixations ».


On retrouve l'idée nietzschéenne de vertu positive, à distinguer de la vertu négative qui découle quant à elle d'une ignorance non-surmontée de l'ombre : « Et il en est d'autres qui appellent vertu la paresse de leur vice ». Mais que deviendront-ils ceux-là, si leur vice se réveille un jour parce que les digues qu'ils se sont construites ne les retiennent plus ? Pour Reich, cela se produit de toute façon. Cela s'appelle : adhésion à une idéologie autoritaire ou à un dogme religieux.


C'est pour cela qu'aucune véritable révolution ne pourra avoir lieu tant que la constitution même de l'individu n'aura pas été restructurée. A ce point de la théorie de Reich, il n'y a que deux alternatives possibles : être d'accord avec lui, ou ne pas l'être, car c'est un acte de foi de croire qu'une restructuration de la psyché pour l'exercice d'une sexualité saine permettra à chacun de devenir capable de vie sociale et de travail sans autorité et pression morale, parce qu'une réelle indépendance et une discipline volontaire auront été acquises de l'intérieur. « Une liberté extérieure n'est pas encore le bonheur sexuel. Ce dernier présuppose, avant tout, la capacité psychologique de de le créer et de l'éprouver ».


Dans ce but, Wilhelm nous dit qu'il faut détruire la famille. Ah, ah, faut pas flipper : « Ce livre ne discute pas des relations familiales naturelles, mais critique les formes coercitives de la famille autoritaire, qui sont maintenues par une législation stricte, par la structure caractérielle réactionnaire de l'homme et par une opinion publique irrationnelle ». A la limite, Wilhelm s'en fout des formes de réunion naturelles. Mais la famille patriarcale serait en revanche le lieu de la reproduction structurale et idéologique de tout ordre social construit sur des principes autoritaires. En outre, elle est fondée sur l'institution du mariage qui, dans les années 1930 plus qu'aujourd'hui, était considérée par Reich comme une aberration servant surtout au maintien de l'ordre social et de la structure sociétale, mais diffusant la misère sexuelle en aval (méconnaissance sexuelle du partenaire avant l'engagement) et en amont (insatisfaction due à l'ancrage des fixations infantiles et des schèmes culpabilisants, ce qui entraînerait un phénomène accru d'adultère et le recours à la prostitution dans un état mental négatif). « Plus les individus sont continents avant le mariage, plus ils sont fidèles dans le mariage. Mais cette sorte de fidélité n'est due qu'à l'atrophie de la sexualité par la continence pré-conjugale ». La famille patriarcale briserait l'élan spontané de l'impulsion sexuelle infantile qui s'exprime dans un témoignage d'amour sensuel comportant « infiniment plus de moralité, de naturel, de force et de joie de vivre que dans des milliers de thèses et d'analyses ennuyeuses ». On retrouve ici une idée de Sandor Ferenczi selon qui chaque enfant subit un traumatisme précoce résultant du langage de passion des adultes face aux demandes de tendresse et de vérité des enfants. Incapables de reconnaître ce fait, les adultes réagiraient en disqualifiant l'affect de l'enfant, entraînant une entrave dans son autonomie de penser et une introjection du sentiment inconscient de culpabilité de l'adulte. On rejoint ainsi le besoin de souscrire à une idéologie et l'incapacité d'éprouver des sentiments d'amour purs.


Les dérives consécutives à l'application pratique des idées de Wilhelm Reich ont fait beaucoup causer. Je n'ai pas creusé le sujet et je n'en parlerai pas ici. Je constate simplement que ses idées sont bonnes et que si elles étaient vraies et reconnues comme telles à l'égard de la majorité, ça pourrait pas être pire que maintenant. Y a juste un truc qui n'a pas trop été abordé c'est ce préjugé de Reich selon lequel tout le monde serait équivalent face à cette fameuse « vitalité naturelle » qu'il pose comme principe de l'homme non contraint par la société : et si ce n'était qu'un fantasme ? Alors, que ferait-on de ceux qui ont vraiment trop de vitalité, et de ceux qui n'en ont jamais assez ? On sait pas trop. Tant pis.

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