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Critique de nadejda


Voilà un roman qui permet de se faire une idée claire sur la succession de compromissions, les connivences, l'aveuglement et la lâcheté qui ont pu mener à la confusion et au chaos, offrant un terrain favorable au développement de guerres larvées, à la montée en puissance de dictateurs tels Hitler et Mussolini et au renforcement de leur emprise ; mise en place graduelle qui a mené à la seconde guerre mondiale et n'est pas sans ressemblance avec notre situation présente.

De l'Éthiopie de 1936 où le négus est contraint à l'abdication et tout un peuple de combattants courageux mis à genoux et humilié par l'utilisation de gaz moutarde
"Comment pouvions-nous lutter contre "la pluie qui brûle" ?" p14
(...) "Cette bruine étrange venue du ciel, dont l'ennemi avait arrosé non seulement les combattants mais aussi les villages, les plaines fertiles, les champs de blé et d'orge, ou les rives du lac Ashangi, tuant le bétail et empoisonnant la terre, avait terrifié la population. On aurait dit qu'une plaie biblique s'était abattue sur le plus ancien pays chrétien du monde. p 15

... à la Campagne d'Italie de 1944 où les alliés gagnent progressivement du terrain, c'est toute l'escalade et le déploiement des événements qui auront conduit à la seconde guerre mondiale que nous fait traverser Theresa Revay à travers le témoignage et la vie d'Alice Clifford, correspondante de guerre pour le New York Herald Tribune.
L'auteur rend un bel hommage à toutes les femmes correspondantes de guerre dont Alice Clifford croisera la route. Même si leur travail se fait sur le terrain de manière indépendante et sans communiquer leurs sources, elles se retrouvent avec leurs homologues masculins dans des lieux réservés à la presse comme à Madrid, durant le siège des troupes franquistes, en avril 1937, dans le corridor de l'hôtel Florida, (où l'on pouvait croiser aussi "des aventuriers de passage, des réfugiés communistes allemands, des ambulanciers américains, des pilotes russes, des idéalistes et des voyous"), Virginia Cowles, puis Martha Gellhorn maîtresse d'Hemingway, également Saint-Exupéry correspondant de Paris-Soir....

"Hemingway tenait à être le maître étalon et l'écrivain suprême de cette guerre, ne tolérant aucune entorse à sa domination tant physique qu'intellectuelle. Il se prêtait à des duels d'ivrognes, jouissait des anecdotes les plus barbares, faisait le coup de feu contre les nationalistes avec la même insouciance que s'il tirait le canard. Alice s'irritait de ce rapport de force qu'il imposait aux autres. Un abus de pouvoir qui lui semblait contraire aux valeurs mêmes pour lesquelles combattaient les troupes républicaines. Incommodée par les relents des assiettes sales ..... elle ressentit le besoin impérieux de changer d'air
(...) Il lui fallait fuir cette ambiance d'espionnite, de vengeance, de délectation morbide, et retrouver les jeunes soldats espagnols, souvent des gamins illettrés, souriants, généreux, pleins d'humour. Elle admirait leur élan, leur pureté d'intention, restait saisie par leur soif d'apprendre, leur application pendant les cours d'alphabétisation qu'ils suivaient pour devenir officiers. À voir leurs visages creusés par la faim, leur fierté insouciante, elle maudissait certains des scribouillards qui se servaient d'eux pour leur propre gloire, tout autant que les commissaires soviétiques pour qui ces innocents n'étaient, au fond, que des pions p 157

Alice Clifford est un condensé de ces femmes exceptionnelles libres et passionnées par leur métier qui ont témoigné, en les traversant, de tous les dangers et de l'horreur des guerres en Europe telles, à Berlin, Sigrid Schultz ou Dorothy Thompson expulsée de l'hôtel Adlon par les nazis.
Les premières, elles ont rendu compte de la persécution des allemands réfractaires au nazisme et des juifs, de la création des camps et des conditions d'internement, de la nuit de cristal sans oublier leurs interviews de personnalités fascistes mais aussi de belles rencontres avec des gens du peuple et des soldats dont elle rapporte les souffrances.
Les amours d'Alice m'ont moins retenue que la découverte vivante du travail risqué et nécessaire des correspondants de guerre et la vision historique sans aucun manichéisme que l'auteur nous permet d'acquérir sur cette période qui a vu tant de bouleversements.

Je remercie Babelio et les éditions Albin Michel pour m'avoir offert cette lecture
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