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Critique de SebastienFritsch


Sombre ambiance, entre violence, désoeuvrement, isolement, visions morbides.
La violence est d'abord celle d'une famille, un père qui frappe, une mère qui meurt, un garçon et une fille qui restent seuls. Ils ont moins de dix ans, puis traversent l'adolescence, deviennent (peut-être) de jeunes adultes, sans que l'on sache vraiment quel âge ils peuvent avoir. Walter, le frère, travaille dans un garage, invite quelques copains, ramène des filles à la maison. La soeur, elle, qui a lâché l'école depuis longtemps, ne fait pas grand chose : elle traîne chez elle, boit de la bière, joue à la Playstation et mange de la terre. C'est de là que vient son surnom. Car ce n'est pas qu'une sale habitude, c'est surtout un pouvoir : quand elle mange la terre du lieu où a vécu une personne disparue, elle est prise de visions. Elle voit précisément ce qui est arrivé à la femme ou à l'enfant que l'on cherche. Et elle peut indiquer aux proches inquiets où retrouver le corps.
Car la violence est toujours là. Des femmes sont enlevées, des enfants disparaissent, des jeunes se bagarrent avec des couteaux et des familles de plus en plus nombreuses viennent consulter Mangeterre.
Résumé ainsi, ce roman peut sembler être le meilleur remède contre la joie de vivre. Pourtant, malgré cette vision d'une jeunesse perdue, d'un pays violent, de parents meurtris, prêts à tout pour retrouver une fille, une épouse, une nièce, il est traversé par quelques fragments de clarté.
Les liens entre Mangeterre et Walter sont un exemple touchant de cette fidélité et de cette entraide qui sont parfois les seules richesses que peuvent encore partager des frères et des soeurs. le sens du devoir, incarné par le flic Ezequiel, mais aussi par Mangeterre et son frère, d'une certaine façon, constitue également une petite pincée d'optimisme dans ce bouillon sinistre. Enfin, sans dévoiler l'issue de cette histoire, la question se pose, à l'inverse, de la liberté dont nous pouvons disposer d'endosser ou non un rôle qui nous est assigné.
Pour terminer, je parlerai du style : très cru, brutal, direct, oral, il permet de rendre plus concrète une histoire basée sur surnaturel ; il aide aussi à donner vie à Mangeterre et son frère, différents par le pouvoir de l'une et par leur mode de vie, et pourtant très similaires à n'importe quel ado ou jeune adulte. Par ailleurs, la vivacité et la puissance d'évocation de la plume permettent aussi de faire naître le suspense ou, à l'inverse, la poésie des liens fraternels, amicaux ou amoureux.
Néanmoins, malgré ces qualités, je crains que les choix d'écriture, cette oralité, donnant beaucoup de place à un vocabulaire et à des tournures "très 2020" (du moins dans la VF, mais j'imagine que ça doit être pareil en espagnol) n'aident pas ce texte à supporter le passage du temps.
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