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Critique de Paulette2


"Hope" nous invite à entrer dans la vie d'une famille de la bourgeoisie juive américaine bien sous tous rapports, les Greenspan. Dès le premier chapitre absolument fantastique, intitulé "Le Banquet de la faim", on observe la maîtresse de maison organiser pour ses amis un ridicule jeu de rôles qui leur fera expérimenter "la loterie de la naissance et ses conséquences" avant de brutalement interrompre la soirée pour une raison grave, que nous ne saurons que bien plus tard. Tout est là, l'ironie mordante, le thème du hasard au sein de l'échiquier social, les personnages géniaux, l'art du cut, la description fascinante de la banalité, à coups de détails et de pensées non formulées... Exemple : plus tard dans la soirée, Scott diagnostique de l'herpès à son ami Marty qui lui a demandé de l'examiner.
"De l'herpès, dit Marty en bouclant sa ceinture. Mon Dieu, au fait, comment va ta mère?
- Je refuse de savoir quelle association d'idées tu viens de faire.
- C'était juste pour être poli."

Et nous voici partis dans une exploration de la famille Greenspan (le père, la fille Maya, la mère et le fils Gideon), chacun étant le centre d'une partie distincte du roman, comme un toboggan en forme de boucle qui ne nous raconte leur réussite que pour nous faire glisser vers l'échec. Chacun de son côté est occupé à réparer ce qui ne peut pas l'être, enfermé dans son domaine social respectif (médecine à Boston, édition à New York, femme au foyer banlieusarde changeant d'orientation sexuelle, étudiant en médecine). Scott, le père, cardiologue réputé, va ainsi frauder une étude scientifique pour payer la maison de retraite de sa mère abusive, ruinée par un pseudo étudiant qui l'a arnaquée sur internet... Il dira aux policiers venus l'interroger pour se justifier: "j'ai voulu être un bon fils".
La réussite de ce livre ne tient pas dans le spectacle qu'elle nous offre de ces vies qui se fissurent, mais dans ce que nous devons en penser en tant que lecteurs. le récit est si bien fait que nous ne jugeons pas les personnages, qui nous paraissent tous de plus en plus attachants au gré des boucles du toboggan narratif et que nous passons la barre de la moralité pour atteindre une autre dimension. Quand nous avons trouvé la mère insupportable puis que nous l'avons tellement comprise dans une même scène de vacances au Maroc racontée selon deux points de vue différents (celui de sa fille et le sien), on se dit que les grands romans sont toujours des oeuvres fondées sur de grands personnages. C'est surtout leur ambiguïté qui retient l'attention et accroche l'émotion, leurs zones de lumière jouant subtilement avec leurs zones d'ombre.

Et puis il y a cette fin très ambiguë dont je vous invite à faire l'expérience, ellipse merveilleuse de nuance. L'auteur, sûr de l'intelligence de son lecteur, nous renvoie à notre imagination pour compléter les pointillés. Et nous fermons le livre, délicieusement frustrés de tout ce qui n'a pas été dit... Il nous reste à espérer, comme le titre nous y invite.
Ce titre miroite d'ailleurs tout au long de la lecture : HOPE est d'abord l'acronyme de l'étude médicale que Scott va frauder, ensuite il devient l'antiphrase ironiquement brandie d'un récit de la désillusion. À la toute fin du récit donc, il peut être perçu comme une autre voie possible, un élan de l'imaginaire vers des horizons inconnus: pourquoi ne pas espérer, finalement ?
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