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Critique de Arakasi


Nous sommes en 1759 dans une petite ville perdue du New Hampshire. Sur fond de guerre franco-anglaise, la discorde gronde entre les autorités britanniques et les habitants des colonies d'Amérique du Nord, multipliant les troubles et les abus dans tout le pays. Pour avoir braillé un peu trop fort ses opinions, Langdon Towne, un jeune peintre d'une vingtaine d'années, se retrouve brusquement propulsé sur les routes et condamné à fuir sa ville natale sous peine de finir ses jours dans une belle petite cellule cadenassée. Sur un coup de tête, le jeune homme s'engage dans une expédition militaire commandée par le major Robert Rogers pour anéantir une tribu indienne alliée aux français résidant à la frontière canadienne. Langdon est aux anges ! le voici non seulement à la veille d'une grande aventure – dont il compte bien revenir victorieux et couvert de gloire pour épouser sa dulcinée, la belle mais absolument insupportable Elizabeth Browne – mais également sur le point de réaliser son grand rêve et faire ce que nul avant lui n'a jamais fait : peindre des indiens !

Comme on s'en doute, cette vision idyllique des choses ne tarde pas être pulvérisée. Marécages, attaques incessantes des indiens, famine, maladie… L'expédition se mue rapidement en cauchemar étouffant. Cette épopée sanglante au milieu d'une Nature aussi splendide que terrifiante transformera pour toujours le jeune homme et lui fera découvrir le meilleur comme le pire de la nature humaine.

Cette expédition lui permettra surtout de rencontrer l'un des plus grands et des plus controversés hommes de son époque : le major Robert Rogers. Personnage colossal aux vices aussi disproportionnés que ses vertus, il domine tout le roman de sa stature écrasante. Militaire, trappeur, aventurier, écrivain, politicien... Rogers est un homme aux multiples facettes, à la fois cynique et indécrottable rêveur, obsédé par la découverte du Grand Passage, une route mythique permettant d'atteindre le Pacifique à travers les étendues inexplorées du Nord-Ouest de l'Amérique. C'est un anti-héros magnifique qui fascine et révulse tour à tour le lecteur, comme il fascine et révulse le jeune narrateur : on l'aime, on le hait. On l'admire, on le méprise. Honnêtement, j'en suis folle.

Je suis folle d'ailleurs du roman en général qui fait partie des livres qui je relis religieusement tous les deux ans. Ecrire un bon roman d'aventure est bien plus complexe qu'on ne pourrait le croire, l'auteur devant mener son intrigue tambour battant, sans sacrifier pour autant la profondeur de ses personnages et de son contexte. "Le Grand Passage" est une réussite du genre ! Non seulement superbement écrit (Raaah ! Ce récit d'expédition ! On en suerait à grosses gouttes, même à -2 degrés en poireautant sur un quai de RER gelé…), épique et prenant de bout en bout, mais également d'une profondeur et d'une humanité inattendues. J'en ai presque eu la larme à l'oeil par moment. Sachant que d'après mon entourage, j'ai la fibre émotive d'une brique, ce n'est pas peu dire.

Mais la raison pour laquelle je conserve pour ce roman une tendresse toute particulière, c'est qu'il est à sa façon une hymne à la défaite. Pas n'importe quelle défaite : la défaite sublime ! "Le Grand Passage" est un hommage à tous les perdants, à toutes les causes perdues, à ceux qui voulaient mais n'ont pas pu, à ceux qui ont raté leur rendez-vous avec l'Histoire et « au matelot anonyme qui se jette à l'eau et se noie sans avoir pu sauver un camarade ». Et pour cela, il conservera toujours une petite place dans ma bibliothèque et dans mon coeur de lectrice.
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