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Critique de fuji


fuji
23 septembre 2016
Une grosse entreprise du BTP et l'effet boomerang comme dans "le dîner de cons", car d'entrée de jeu Yvan Robin n'a pas l'intention d'assommer ses lecteurs avec la misère du monde qu'est devenue l'inhumanité des entreprises et leurs hierarchies pyramidales qui font de chaque employé un pion et non un être humain digne de confiance et de professionnalisme.

Donc au lecteur de plonger dans la danse, celle du jeu de massacre sur l'air de la danse macabre de Camille Saint-Saens...

Hubert Garden a pour job de faire respecter les procédures de sécurité mais ne pouvant être sur tous les chantiers à la fois, son rôle est plutôt de faire en sorte que chaque accident ne soit imputable à la "boîte" et pour cela il ne recule devant rien, c'est le "Monsieur Propre" du BTP.
Mais voilà les accidents se multiplient et Hubert dont la particularité physique : les ongles rongés jusqu'au sang, en dit long sur son état psychologique, est sur la sellette et un siège éjectable.

Il est épuisé, se remet en question encore et toujours, sa vie personnelle va mal, plus apte au quotidien car son entreprise c'est une pieuvre qui l'a pris dans ses tentacules et qui le serrent à l'étouffer en prenant tout son temps.

Yvan Robin nous présente cette situation en trois actes, comme au théâtre.
Le premier acte plante le décor et nous voyons la situation D Hubert se dégrader et nous assistons à la "fracture" qui s'effectue dans son psychisme.
L'absurdité du fonctionnement de certaines entreprises est bien décrite notamment la construction hiérarchique des hautes sphères et les objectifs fixés, qui changent constamment et ne sont pas réalisables.
La perte de contrôle du salarié qui subit cette dégradation permanente jusqu'à ne plus avoir les idées claires, ne plus savoir, ne plus être...

Le deuxième acte met l'accent sur sa situation personnelle et entre en scène sa femme qui elle aussi a des problèmes: incapacité à procréer, difficultés d'un boulot d'aide-soignante pénible etc...
Et cet acte là me gêne car il tend à donner à ce couple une image de "looser", ce qui n'est pas la majorité des cas de "burn out", où celui qui subit cet effondrement total se replit sur lui-même, il en dit le moins possible à son entourage, par honte, désespoir et bien d'autres sentiments qui se mêlent dans une confusion extrême.
Le plus souvent l'entourage est stable et solide, même s'il subit les influences de cette dégradation, là l'auteur prête à son personnage des difficultés autres : enfance d'un mal aimé, un mariage pas très réussi qui le fragiliseraient.
Sa femme n'est en rien le réconfort dont il a besoin, et leur vie sociale est inexistante...
Pour moi cette partie est le maillon faible de cette histoire car elle tend à discréditer le syndrome d'épuisement professionnel.

Le troisième acte: la fracture est totale, Hubert est passé des troubles "normaux" de l'épuisement : difficultés à se lever, à se préparer, à entrer dans l'entreprise, à avoir le minimum de relations correctes avec ses collègues au plongeon inexorable.
Il devient différent de ce qu'il est, différent de ceux qu'il cotoie et indifférent aux mille signaux que la vie lui envoie.
Son cerveau enregistre les faits sans les appréhender ni rien ressentir, la dichotomie est avérée.
"Il n'y a rien à comprendre, répétait Hubert à voix basse" est-ce-bien sûr?
Ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire est-ce la sagesse?
C'est un roman noir sur un phénomène social de plus en plus important et pas suffisamment reconnu, Yvan Robin a une belle plume avec un vocabulaire soutenu et il sait parfaitement jongler avec le burlesque.
A lire sans oublier que la réalité est bien plus dure que ce roman.
@Chantal Lafon de Litteratum Amor 23 septembre 2016
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