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Critique de le_Bison


- Hola, guapa senorita ! Donde estan Las Ramblas ?
- Tout droit, hombre. Et au bout, la plage…
- Vamos a la playa ?
- Avec plaisir, hombre. Une bière, les pieds dans l'eau ?
- Dos cervezas, claro que si…

Laura a dix-huit ans, et à cet âge-là, son petit copain dans le genre garçon immature qui ne pense qu'à mettre sa main entre ses cuisses l'ennuie plus que la passionne. Son taf, elle repasse des jeans dans une usine de l'arrière-pays catalan. Une pile à repasser à gauche, une pile repassée à droite. Toute la journée. Course au supermarché, elle gagne un voyage à Paris. La ville des amoureux, la ville des romantiques – ou des pleurs. Elle apprend le français et visite la capitale. Montmartre et se faire croquer par des caricaturistes amateurs, le jardin des Tuileries et voir les couples flâner main dans la main, Beaubourg des tubes et des saltimbanques qui jonglent et crachent du feu.

Un regard, furtif, perçant et le coeur qui s'emballe. Elle le suit, dans les ruelles du Marais, le coeur cogne, les yeux pétillent. En un instant, elle devient femme. Une femme amoureuse. le retour en Catalogne, après quatre jours inoubliables. Train-train quotidien, ennui routinier. le soleil catalan n'arrive pas à faire oublier son sourire parisien. Elle plaque tout, petit copain, parents, usine et part sur un coup de tête, une envie passionnée, le rejoindre à Paris. Un dernier verre avant, une bouteille de vin rouge.

« Avant de se mettre à table, Marga ouvre la bouteille de vin avec un tire-bouchon, et lorsqu'elle verse la première rasade dans le verre, les deux filles se taisent, respectueuses, écoutent ce bruit annonciateur de moments joyeux, puis elles cognent légèrement leurs verres pleins, les approchent de leurs lèvres, ferment les yeux, et boivent. »

Respect, je ferme les yeux, célèbre ce verre de vin rouge bu dans les yeux de Laura. Elle est belle quand elle boit son verre de vin rouge, un cru catalan qui s'est engorgé des suavités ensoleillées. Je la vois porter son verre de vin à la bouche, je la regarde dans les yeux, mon regard s'égare dans son décolleté, je remonte vers ses yeux qui pétillent. Que j'aime ce pétillement (non, pas d'eau gazeuse dans mon verre de vin) dans ses yeux.

Retour à la réalité. A Paris, cela ne se passe pas comme elle l'aurait imaginé. Ces hommes, tous des salauds, des gilipollas, moi compris certainement. Pourtant, elle avait cru fort, à cet amour, à cette passion. Suivre toujours sa passion. Lui ne devait penser qu'au sexe. Elle pleure, elle boit un café, bien serré. Non une bière. Je me vois lui servir son verre de bière, la regarder dans les yeux avant que mon regard s'égare encore dans son décolleté. Une mousse blanche comme la couleur de son soutien-gorge que j'entraperçois, une couleur ensoleillée du nectar divin comme les cuisses divines et caramélisées qui brillent sous le soleil de Paris. Que j'aime boire une bière dans ses yeux. C'est toute la passion qui ressort de cette grâce.

« Pendant son travail, elle chante, et parfois même elle siffle. Elle siffle comme un garçon, ce qui met sa mère en colère ; elle lui dit que c'est une chose de voyou, tout comme fumer et boire de la bière, et la met en garde : « Pauvre de toi, ma fille, si tu fais de même. » Fumer ? Non, elle ne fume pas. Elle a essayé, mais ça ne lui dit rien. Mais de la bière, ça oui, elle en boit. Elle l'aime avec beaucoup de mousse, et elle aime aussi enfoncer ses lèvres dans le verre, les ressortir toutes mouillées et nettoyer goulûment avec la langue ce petit liseré blanc et amer. Quant à siffler, il faut voir quelle grâce elle étire ses lèvres… »

Elle ne veut pas rentrer chez elle, comme un échec, encore une rencontre pour ne pas rentrer de suite. Un bistrot où elle travaille le midi. Une pile d'assiettes à laver à gauche, une pile d'assiettes lavées à droite. La vie ne change finalement pas, à Paris ou à Barcelone. La plume de l'auteure, Maria Mercè Roca, manque peut-être de passion, mais certainement pas de charme. Une histoire d'amour qui finit mal, je n'ose dire en général comme dans la chanson, j'ose espérer qu'elle retrouva l'amour, la passion. En terrasse ensoleillée, je rêvais moi aussi de Laura et de son partage autour d'une bière, les yeux embrumés par ce parfum de mélancolie qui enivrait les pages de ce court roman.

« En fin de journée, elle entre dans n'importe quelle brasserie, pour prendre une bière et regarder les gens, et il y a toujours quelqu'un sur qui porter son attention, quelqu'un qui la regarde, quelqu'un qui la fasse rêver. »
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