AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ecceom


Un Rocard, sinon rien ?

(rédigé en 2014)
D'emblée, Michel Rocard se montre explicite : il veut rappeler aux Français, tout ce qu'il a fait d'important et qui n'est, selon lui, pas suffisamment connu.

Comme on peut s'en douter, cette démarche n'est pas sans risque quand on est un homme politique d'expérience et de fort vécu. Et de fait, Rocard n'évite pas le piège de l'immodestie, loin de là. Sans doute involontairement, il donne l'image d'un homme infatué, qui a, sinon tout fait, du moins tout vu et tout prévu.

Son navire ne fait pas que frôler le rocher de l'ego, il s'y fracasse allègrement : "je fais annoncer par les étudiants...", "je comprends d'emblée", "je pense avoir été le 1er", j'ai pu régler", je devine donc sans surprise", "...mais pas pour moi qui l'avais compris depuis longtemps", "comme je suis populaire, mon éviction serait incomprise par l'opinion", etc. C'est un florilège.

Que ce soit au sein de la Fédération nationale des étudiants socialistes (FNES), du PSU, durant son service militaire en Algérie, dans les différents ministères ou comme 1er ministre, Rocard semble être partout.

S'il écrit dans une modeste feuille de chou au sujet de la décentralisation, ses écrits créent "un vrai scandale" tant ils sont remplis "d'idées explosives". A le lire, il a irrigué Mai 68 et même inspiré à De Gaulle, son référendum sur la décentralisation et la régionalisation...(si c'est le cas, cela montre surtout qu'il est un porte-poisse).

Bref, ce plaidoyer pro domo est vraiment agaçant tant il est maladroit et confus. Décidément, Rocard écrit comme il parle, de manière démonstrative et relativement décousue.
Voilà pour la forme.

En dehors de cet aspect, le livre retrace le parcours somme toute exceptionnel, d'un homme.

La 1ère partie retrace sa jeunesse et comme souvent, tout découle de la figure du père.
M Yves Rocard est alors, un savant renommé. Il ne supporte pas que son fils, moins enclin aux études scientifiques, choisisse une autre voie en s'inscrivant à l'IEP et lui tient alors un discours incroyablement cruel : "L'Humanité progresse essentiellement par la science et par la connaissance. En te déclarant inapte à participer à ce mouvement, tu t'installes dans la position de pouvoir seulement le paralyser".

Comme dit Rocard Jr : "ça rend humble" (si seulement).

On sent bien que Michel Rocard "vient" de ce traumatisme. Cette volonté de ne jamais céder aux symboles, d'affirmer la puissance de la gestion scientifique des affaires...sont directement en lien avec ce reproche. de même, comment ne pas lier ce souci constant de démontrer qu'il a raison et sa lutte contre l'irrationnel, à l'humiliation dont il a été le témoin en voyant son père battu et moqué lors d'une tentative d'entrée à l'Académie des sciences ?

Cette rigueur est le fil rouge de son parcours. Son credo demeure : "décrire les enjeux, faire connaître les contextes et tenter d'expliquer les raisons".

C'est par le biais de cette "méthode" basée sur le consensus qu'il a abordé tous les grands projets qu'il détaille dans la 2ème partie.
On découvre les réflexions et les travaux qui ont conduit à la création de "Voies navigables de France", porté le modèle d'économie sociale, mis sur pied la CSG, réactivé la planification, sauvé l'agriculture et l'enseignement agricole, Air France et Renault, moralisé la vie publique, donné à la Nouvelle-Calédonie un nouveau départ...On assiste aussi aux chausse-trappes tendues par son ennemi juré, F. Mitterrand.

Cette partie là du livre qui s'achève avec sa nomination par Nicolas Sarkozy comme "ambassadeur de France chargé des négociations internationales relatives aux pôles Arctique et Antarctique" (on dirait une blague !) est assez ennuyeuse de mon point de vue, même si elle donne à voir les coulisses du pouvoir.

En revanche, les 3ème (sur l'Union européenne dont il fait un bilan assez critique) et 4ème ("transversales") parties m'ont davantage intéressé. Ses réflexions sur la crise financière, l'écologie, le travail, ou ses analyses géopolitiques, sont souvent pertinentes et pour le coup, son obsession pédagogique devient utile.

Un livre de près de 750 pages, touffu, agaçant, intéressant...à l'image de son auteur.

Deux réflexions me viennent après avoir refermé ce pensum :
- celui qui a trouvé son totem chez les scouts ("Hamster érudit"), n'est vraiment pas passé à côté.
- cette méfiance face au symbolique ou la recherche constante de consensus pour louable qu'elles soient, se révèlent trop peu enthousiasmantes pour réunir autour d'un projet qui dépasse les intérêts immédiats.
Gestionnaire oui, mais que ça ?

Et puis, je ne peux pas m'empêcher de ricaner quand je lis dans quelles conditions il a porté son choix sur la mairie de Conflans-Ste-Honorine pour en faire son "terrain d'expérience" : " à partir d'un certain nombre de critères que j'ai préalablement définis : ...pas à plus de cent kilomètres de Paris, car je ne veux pas vivre en province....."

Pour un adepte de la décentralisation....
Commenter  J’apprécie          02







{* *}