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Critique de Soleney


Qui est Kvothe, cet homme auréolé de légendes plus extraordinaires les unes que les autres ? Qui est cet homme qui a su forger son propre destin ? À la fois érudit, héros, « magicien », assassin et artiste, il change de visage comme nous de chemise. Comment, après une vie aussi trépidante que la sienne, en est-il arrivé à cette taverne du bout du monde ?
Le mystère fait partie intégrante de ce personnage, et le but de la saga est de revenir sur son passé pour expliquer son présent. En clair : il est le centre de l'histoire. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Patrick Rothfuss a travaillé son protagoniste ! Kvothe, c'est l'excès : à la fois très (trop ?) intelligent, extrêmement fier, et incroyablement jeune pour ce qu'il a vécu. Je crois que c'est un des personnages principaux qui m'a le plus plu de l'année 2014 (oui, j'ai tardé à poster ma critique…). Une très bonne découverte !

Mais il n'est pas le seul point fort de ce roman. Les rebondissements sont réguliers, maitrisés. le jeune héros se retrouve couramment sans aucune ressource, ayant dépensé une bonne partie de ses fonds pour essayer de fuir la misère, misant sur sa propre réussite. Mais l'auteur prend un malin plaisir à lui mettre des bâtons dans les roues. On pense qu'il va s'en sortir, et puis un événement malencontreux fait que tout est à recommencer. C'est un peu vicieux, mais c'est pour ça que j'ai aimé^^ le destin de Kvothe se renverse donc aussi régulièrement que le jour et la nuit, et on en vient à se demander quand et comment il finira par devenir cet homme légendaire – mais aussi ce tueur de roi – dont on entend tellement parler. Il y a une dimension dramatique chez ce personnage (d'un côté, de part ce qu'il a vécu parce que c'est loin d'être rose ; de l'autre, par ce qu'il va être amené à faire : tuer un roi), mais pourtant, il ne s'appesantit pas sur son malheur.

Mais que dire des autres personnages ? Eh bien, moi je les ai trouvés un peu écrasés par la prestance de Kvothe, même si dans l'ensemble ils sonnent justes. Ils ont chacun leur caractère, mais je les ai trouvés un peu fade en comparaison de la richesse du héros – Simmon et Wilem, par exemple, sont des copains trop parfaits pour être réels, qui n'en veulent jamais à Kvothe quand il leur pose un lapin.
Mais pourquoi chipoter ? le mieux est l'ennemi du bien, dit-on, et si Kvothe est sans conteste le mieux, les autres sont vraiment biens !
Un seul personnage lui dispute la place de chouchou dans mon coeur : Denna. À travers elle, l'auteur introduit la problématique de la condition féminine dans les temps moyenâgeux. Elle a quoi, quinze-seize ans ? Et pourtant, son charme magnétique rameute tous les hommes, même les plus âgés – à sa grande déconfiture. Ils ont tout pouvoir : une fille leur plaît ? Si elle n'a ni père, ni frère, ni mari pour répondre d'elle, ils peuvent en faire ce qu'ils veulent. La séquestrer, la violer, la tuer… (Pas forcément dans ce sens, d'ailleurs.) Et Denna, ivre de liberté, a pris le large, loin de sa famille. Seule dans un univers machiste.
Petit plus qui me l'a faite encore plus aimer : elle n'est pas spécialement belle. Kvothe la trouve splendide, et comme c'est lui qui raconte l'histoire, il la décrit sous son meilleur jour, mais Bast la trouve jolie sans plus et Simmon n'arrive pas à comprendre ce que son ami lui trouve. C'est une bonne chose, car il y en a marre de voir des jeunes filles parfaites apparaître dans tous les romans ! Assez de les voir jouir de leur pouvoir sur les hommes avant de choisir le plus beau, le plus fort, le plus chevaleresque, bref : le héros. Non, une femme, dans une monde comme celui-là, plus elle est belle, plus elle en bave. Denna est obligée de faire des tours et détours pour esquiver les plus lourdauds de ces mâles, et cela ne la rend que plus fascinante pour le protagoniste. Un mot pour la résumer : insaisissable.

C'est un roman haletant aux personnages forts, mais à l'histoire non moins marquante. On suit le parcours de Kvothe de son enfance à son présent, et je n'ai pas pu m'empêcher de faire la comparaison avec Arlen, le héros de L'Homme-runes. À une différence près : pour Chroniques du Tueur de roi, c'est le personnage qui nous raconte l'histoire, alors que la vie d'Arlen est relatée au présent et à la troisième personne. Il y a un gros avantage à revenir sur l'enfance du personnage principal : on peut constater qu'il n'a pas toujours été un héros et on s'y attache d'autant plus.
Cependant, je me suis moins prise d'affection au protagoniste du Nom du Vent qu'à l'autre.
Pourquoi ? Parce que Patrick Rothfuss joue un peu trop sur les clichés. L'exagération est très souvent de mise : l'enfance merveilleusement belle avec ses parents toujours très amoureux après treize ans de relation, l'incroyable intelligence du protagoniste, son don extraordinaire pour la musique, ses cheveux aussi roux que des flammes (alors que ses parents sont bruns), ses conditions de vie si tristes quand il vivait dans Tarbean – à la Oliver Twist – l'antipathie exagérée de certains de ses professeurs et de certains élèves…

Cependant, la plume de l'auteur est fort belle, les rebondissements de l'histoire, fort bien choisis et arrivent à point nommé. J'ai eu du mal à lâcher ce bouquin durant le temps de ma lecture, et je l'aurais lu beaucoup plus vite si j'avais eu plus de temps à lui consacrer.

Dernier détail : la religion est relativement présente dans ce livre, avec les légendes, qui racontent les aventures de mortels hors du commun et de dieux répondant à une menace obscure. Mais il y a aussi une forte présence d'austérité avec les prêtres moralisateurs de Tulhu, qui ont un rôle de surveillants dans la société. Ces mises en abîme sont rafraichissantes, intéressantes à lire et enrichissent l'univers en détaillant les croyances populaires. Patrick Rothfuss n'a aussi pas lésiné sur les chansons et les poèmes (les a-t-il inventées ? Si oui, c'est tout à son honneur, il a beaucoup d'inspiration). Je dois dire que ce genre de détail vient parfois à manquer dans les livres de fantasy, où pourtant il faut recréer un monde, et donc également ses comptines, ses maximes, ses jurons, ses superstitions… Bref, sa culture !
Au début de son histoire, Patrick Rothfuss s'est amusé à inverser les valeurs religieuses : les parents de Kvothe ne se sont pas mariés, et pourtant ils sont présentés comme étant bien plus heureux et plus fidèles que la plupart des couples dont l'union a été légalisée. Quand le jeune Kvothe meurt de faim et de froid dans la ville de Tarbean pendant la fête du Solstice d'Hiver, c'est un personnage déguisé en démon – et même, en Encanis, le Seigneur des démons ! – qui le relève, le réchauffe et lui donne un talent d'argent.

En somme : si vous aimez la fantasy, vous devez lire ce bouquin parce que plus tard, ça deviendra sûrement un classique. Si vous connaissez un peu la fantasy et que vous voulez en savoir plus, vous pouvez commencer par ce livre. Et si vous ne vous intéressez pas du tout à la fantasy… Lisez quand même parce que ça vaut le détour (et que la magie n'est pas trop présente, ça ne vous dépaysera pas) !
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