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Critique de fanfanouche24


"C'est un sentiment que je connaissais bien, ce besoin de rectifier sa position dans le miroir de l'autre. Une façon de dire ne vous méprenez pas sur moi, ne tirez pas de conclusion à partir de ce que vous percevez. Tentation de se démarquer de la fonction à quoi les gens vous réduisent. Et vous réduisent longtemps quand bien même elle n'est plus d'actualité. J'avais beau avoir quitté le kiosque depuis des années, il se trouvait toujours des gens qui me renvoyaient au marchand de journaux. Ce qui ne partait pas toujours d'une intention bienveillante. Ce qui traduisait dans ce cas, en cherchant à me rabaisser, le peu d'estime qu'ils avaient pour la fonction." (p. 72)

Livre de gratitude... autobiographique autour du vécu de "kiosquier" de l'auteur , entre 1983 et 1990, qui possède la malice et l'astuce de nous faire revisiter 30 ans de chronique sociale française et parisienne, tout en se révélant parallèlement un apprentissage personnel de la vie et de l'observation des gens , d'un quartier populaire de la Capitale....pour " l'écrivain en devenir !..."
Un "laboratoire " extraordinaire...

"Mais c'est vrai que là où j'étais, ayant choisi de vendre des journaux plutôt qu'autre chose de plus valeureux afin de dégager du temps libre pour écrire, la perspective de la retraite était le cadet de mes soucis, une hypothèse sans fondement aussi longtemps que mon horizon était barré par la seule question qui me préoccupait, celle de la reconnaissance littéraire. (p. 23)

Un cadeau pour la Saint-Sylvestre d'un récit autobiographique dont j'étais très curieuse...
Pour plusieurs raisons : à la fois pour ces kiosquiers, "pittoresques marchands" de la Capitale, travail exercé quelques années par notre futur Prix Goncourt, Jean Rouaud. Une manière originale d'appréhender et de décrire la vie des parisiens !
Deuxième curiosité de ce texte: le 19e arrondissement que j'ai habité de nombreuses années entre la Porte de Pantin et Stalingrad, incontournablement allait m'offrir des images et des souvenirs !!

Un texte qui est aussi de gratitude envers tous ces personnages rencontrés pendant ces années de "kiosquier" : "Tout me revient à mesure que je regagne le temps du kiosque, toute une galerie magnifique. Comme je leur dois à tous. Comme ils m'ont aidé à me concilier le monde, comme ils m'ont appris. Comme j'aimerais à mesure qu'ils s'invitent leur faire place qu'ils méritent ici." (p. 69)

Un récit vivant, attachant, qui parle, décrit des figures hautes en couleurs tant les clients habitués que le kiosquier avec lequel a travaillé Jean Rouaud [dont il apprend au début du livre, la mort, dans un avis nécrologique, publié dans un journal]
Portraits augmentés augmentés de digressions, d'observations sur les mutations, les transformations de la ville et des mentalités !!

"Si l'on considère que le kiosque évoque un théâtre de marionnettes- d'ailleurs les enfants le percevaient ainsi qui, s'éloignant, ne pouvaient s'empêcher de se retourner encore une fois, et de demander à leurs parents, pensant ne pas être entendus, mais par où il rentre le monsieur ? ou bien, c'est sa maison ? ou bien, c'est le père Noël ?
-, il en était le héros récurrent, d'où ne dépassaient que la tête, le haut du corps et les bras derrière ses piles de magazines." (p. 42)

Réflexions à dimensions et directions multiples sur la Modernité et la nostalgie du passé... Des digressions amusantes sur les controverses apportées par les projets architecturaux du Centre Beaubourg et de la Pyramide du Louvre, avec des analyses commentées des différents pouvoirs et gouvernements !!! Autre questionnement qui affleure , "c'est quoi être de son temps ?!!"

Cette très intéressante lecture me redonne l'envie de lire un autre texte de cet écrivain (depuis un moment, dans mes réserves d'écureuil !!...) , "Comment gagner sa vie honnêtement ? " où Jean Rouaud raconte les mille petits métiers qu'il a exercés... tout en offrant un miroir étonnant des mutations sociales !!...


Il est aussi énormément question des doutes de Jean Rouaud sur ses rêves et premières tentatives d'écriture...On assiste également à la genèse des "Champs d'honneur" , un de ses tout premiers textes, qui vaudra à son auteur le Prix Goncourt....en 1990. [ Une lacune que je vais m'empresser de réparer !! ]

Un récit "Balcon sur rue" , miroir social...et quête de littérature sans omettre les rêves de reconnaissance littéraire d'un écrivain endurant , passionné et déterminé depuis ses jeunes années,... sur son goût et soif des mots ...
© Soazic Boucard- Février 2019
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