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Critique de KotolineBastacosi


Il y a quelques années j'ai lu ce témoignage à sa sortie. J'en garde encore des souvenirs aujourd'hui tellement il m'a marquée car il fut une époque ou ce genre de témoignages était peu courant.
C'est le récit autobiographique d'une marocaine, marquée du sceau de la souffrance et de l'humiliation. le père de la petite fille, qui se drogue et s'imagine être l'ombre du Prophète, assassine sur le toit de leur maison la maman, enceinte de 7 mois, après lui avoir fait subir durant des années des sévices corporels et toutes sortes de menaces et d'interdits. Pour Ourda, la vie, déjà difficile, sombre dans l'horreur. le père emprisonné, Ouarda et ses six frère et soeur sont confiés à l'oncle paternel, Hassan, homme violent et cupide, et à sa tante Zaina, perverse et cruelle, en comparaison desquels Les Thénardier de Victor Hugo passeraient pour des saints. Famine, coups violents, blessures, humiliation sont le lot quotidien de la petite fille et de sa fratrie, contraints de mendier pour survivre. Des cousines jalouses et méchantes, un cousin qui propose un arrangement sexuel immonde ou qui lui casse le coccyx. L'avenir semble compromis à tout jamais.
La ténacité et la force de Ouarda auront-elles raison de ces années d'enfance et d'adolescence, qui sont aussi un témoignage sur la société marocaine des années 70-90 où il ne fait pas bon d'être pauvre et où le destin des petites filles est chaque jour menacé et d'autant plus précaire qu'elles ne bénéficient d'aucune protection ? le plus souvent, les témoins, les voisins, les familles sont muets et n'apportent aucune aide pour empêcher le désastre. Dans un véritable réquisitoire sur les hommes et sur une certaine frange de la société, Ouarda écrit, cà et là : « Au Maroc, personne ne tente d'intervenir en faveur des épouses maltraitées". Au Maroc, quand on est une fille, il faut toujours être sur ses gardes pour ne pas devenir une proie".
Après bien des péripéties, Ouarda échappera-t-elle à son destin de « bonne », dans une famille aisée ? Cette expérience lui permet d'attirer l'attention du lecteur sur ces malheureuses qui sont le plus souvent exploitées, violées, mises enceintes puis renvoyées. La prostitution y est également traitée. Subsistent encore le poids des coutumes, des superstitions, l'analphabétisme, la hiérarchie des classes et le pouvoir des forts sur les faibles. Au milieu de ces horreurs, de temps à autre, des anecdotes tout empreintes d'espièglerie et de bonne humeur, des descriptions de paysages sublimes, l'évocation des rites et coutumes ancestraux, le rappel des jours heureux avec la figure de la grand-mère maternelle, comme pour apaiser le lecteur, le faire voyager, et lui redonner confiance. Á la fin du livre, Ourda Saillo nous apprend qu'elle a créé un site en faveur des plus déshéritées d'entre elles.
Le style est enlevé, riche et dense, coulant comme coule le sang vif à l'intérieur des veines de la fillette qui se bat et réfléchit toujours avant d'agir. "La petite" a du cran. Et on l'aime et on l'admire. Chose remarquable, il n'y a jamais l'ombre de la haine ou de la revanche dans ses propos. Elle ne cherche qu'à comprendre sa famille et ne la juge jamais. Son tempérament unique l'apparente ainsi aux héroïnes des plus grandes histoires de la littérature, même si son livre relate simplement sa vie et celle de sa propre famille. Á lire, car ce témoignage nous emporte au-delà des stéréotypes et nous fait réfléchir sur la condition humaine, dans ce qu'elle a de plus grand et de plus vil.
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