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Critique de Luxi


Depuis des siècles, la France questionne l’antisémitisme sans détour. Pays des Droits de l’Homme, pays de l’affaire "Alfred Dreyfus" mais également pays du gouvernement de Vichy et d’écrivains antisémites parfois méconnus.
Dès la préface, le philosophe et chercheur Michaël de Saint-Chéron rappelle les attentats du 7 janvier 2015 contre les artistes de "Charlie Hebdo". Il esquisse un parallèle entre les caricatures portant sur l’Islam et celles qui ont abîmé l’image des Juifs. Là où les premières ne revendiquaient que la liberté d’expression, les secondes furent haineuses, pleines de fiel et de répugnance. Mais les Juifs n’ont jamais pris les armes pour détruire ou venger une image. Aussi violente et humiliante soit-elle.
J’ai ressenti ce livre comme un hommage et un devoir de rétablir une certaine forme de justice. Il y a un profond respect dans ces lignes, de la délicatesse, de l’estime. L’auteur dédie d'ailleurs son ouvrage à plusieurs personnes qui lui sont chères et « combattent la haine de l’autre et tout antisémitisme. »
La haine de l’autre. Le sujet est posé.
D’une plume poétique, précise, aiguisée, l’auteur remet d’aplomb certaines idées reçues et/ou méconnaissances quant à la personnalité des écrivains français sur lesquels s’étendent certaines ombres. Il démasque les "indécents", il élève les incompris et les mal aimés. Mais rien n’est tout noir ou tout blanc. A aucun moment l’auteur ne s’élève en juge. Certes, ce n’est pas un ouvrage bien-pensant, c’est un livre qui bouscule, qui attaque, qui défend ou dénonce. Mais lorsqu’il y a colère ou sympathie, ce sont des colères et sympathies argumentées. Il ne s’agit pas de « salir » un auteur ou de l’exalter : il s’agit de comprendre ce qui a pu mener cet homme ou cette femme à plonger sa plume dans l’or ou dans la boue. On sent tout au long du livre qu’il ressent une certaine affection pour certains d’entre eux, et c’est ce qui apporte ce petit supplément d’âme à cet exposé pointilleux.
En résumé : Péguy, Céline, Claudel, Mauriac, Sartre, Bernanos, Yourcenar, Blanchot et Semprun. Neuf personnalités aux convictions religieuses différentes. Neuf écrivains, poètes, philosophes, parcourus dans leur rapport au peuple juif, à Israël, à la Shoah.
Je ressors de cette lecture bousculée. J’ai tour à tour été bouleversée, révoltée, crispée ou transportée. Certaines déclarations d’auteurs sont hideuses – j’assume l’adjectif – et m’ont mise au bord du malaise ; d’autres se rapprochent du sublime. On pénètre vraiment les cœurs de ces auteurs, on fouille leurs travers ou leurs grâces. Mais la vraie beauté de ce livre, c’est ce revirement des auteurs « anti-judaïques » qui adoucissent leurs propos, reviennent sur leur conception des êtres, se confessent ou s’excusent. Seule larme noire – comme le précise l’auteur en fin d’ouvrage –, Céline sera le seul à ne jamais revenir sur ses propos. Et quel déchirement pour moi, grande admiratrice de la plume de cet auteur de génie, qui se définira pourtant comme « l’ami de Hitler. »
Je terminerai avec cette magnifique citation du pasteur Charles Westphal que Saint-Chéron a choisie en tout début d’ouvrage : « la question juive est la question des questions ; à la manière dont ils parlent des Juifs on peut juger sûrement de la valeur spirituelle d’un homme, d’une Église, d’un peuple, d’une civilisation. » Et je remercie Babelio ainsi que les éditions Salvator pour m’avoir envoyé ce livre « coup de poing. »
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