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Critique de Pois0n


Pois0n
24 décembre 2017
[critique initialement rédigée par mes soins pour Manga Sanctuary (voir lien)]

Un épais pavé de presque 400 pages, dans une très belle édition à jaquette satinée, gaufrée et dorée, présentée en sens de lecture occidental (mais malheureusement pas exempte de coquilles) : assurément, avec cette réédition d'une série initialement parue en deux volumes, Soleil cherche avant tout à séduire les amateurs de beaux ouvrages et fans du roman d'origine pas forcément habitués aux bandes dessinées japonaises.

Le trait de Chiho Saito est plutôt rétro, assez typé shojo, mais sans tomber dans l'excès. C'est fin et détaillé (en particulier au niveau des tenues), et les décors, assez présents, sont très jolis. Quant à la narration, elle se veut relativement fluide, à quelques rares exceptions près, et l'on n'a jamais trop de mal à suivre l'histoire. de toutes façons, Les Liaisons Dangereuses n'est clairement pas riche en action ; le rythme est lent, basé sur les interactions entre les personnages. Bref, de quoi être plongé sans mal dans la France du XVIIIe siècle, un an avant la révolution. 
La mangaka s'est en effet permis quelques libertés, comme elle l'explique elle-même dans la postface. Des détails que ne remarqueront que ceux qui connaissent le roman, les autres (dont je fais partie) n'y voyant que du feu au cours de la lecture.

En revanche, ce qui est moins transparent, c'est la nature épistolaire du support d'origine ! Même sans avoir lu le livre, on le devine en effet sans mal. Il y a assez peu de dialogues dans le manga, mais au contraire beaucoup de passages narratifs retranscrivant les correspondances des personnages. Échanges de lettres omniprésents dans l'histoire et en constituant un élément fondamental. Qu'il s'agisse de billets échangés à la dérobée, de confidences, de demandes de conseils ou du fameux jeu de manipulation entre le vicomte De Valmont et Madame de Merteuil, objets précieux ou outils de chantage, ces courriers sont partout. de fait, il y a parfois beaucoup de lecture dans cette adaptation des « Liaisons Dangereuses ». Pas autant que dans un Death Note, certes, mais plus que dans un manga classique. Pas de quoi être rebuté néanmoins, les «tartines » de texte étant judicieusement réparties dans les cases, voire découpées en paragraphes courts au besoin.
Reste que l'on a, parfois, le sentiment d'avoir affaire à un résumé très abrégé des évènements, ce que l'auteure confirmera, là encore, dans la postface.

« Prank : ils se défient de corrompre deux femmes pures, ça tourne mal »
Et sinon, pour ceux qui ne connaissent pas, « Les Liaisons Dangereuses », ça parle de quoi ? A la base, deux amis très versés dans les plaisirs de la chair se lancent dans une course au débauchage à grands coups de manigances et manipulations. L'enjeu ? Une vengeance commune. L'un coureur de jupons patenté, l'autre ayant au contraire la réputation de femme incorruptible, ils seront à la fois rivaux et alliés dans leurs quêtes respectives. Pour Madame de Merteuil, il s'agira de déshonorer une jeune fille ingénue. Pour Valmont, regagner les faveurs de son amie, en relevant le défi de séduire une femme à la vertu et à la foi inébranlables. A priori, tout semble facile : la jeune Cécile est en effet raide dingue de son prof de musique, quant à Valmont, il n'existe aucune femme qu'il ne puisse séduire. Mais les choses dégénèrent et ce qui n'était au début qu'un pari devient bientôt un chantage pervers, alors que les désirs de l'un des deux évoluent... et que les dommages collatéraux s'accumulent, quitte à atteindre le point de non-retour.

Les Liaisons Dangereuses, c'est une grande fresque historique sur l'hypocrisie de la société et des bonnes moeurs, le bonheur, la noirceur de l'être humain, la rédemption et la déchéance. Si certains éléments de l'intrigue sont aujourd'hui bien désuets, d'autres, en revanche, sont toujours d'actualité. La revenge porn n'est, après tout, qu'une version moderne de la publication de lettres compromettantes... et la société n'a pas évolué d'un poil : le regard et le jugement que les gens portent les uns sur les autres sont toujours là. Bref, à l'instar d'Orgueil et Préjugés, le propos de fond de l'oeuvre n'a pas pris la moindre ride. C'est sans doute là la force des classiques, et, rien que pour ça, on ne peut que remercier Soleil pour les rendre un peu plus accessibles.

400 pages pendant lesquelles il ne se passe pas grand-chose, où tout n'est pour ainsi dire que beaucoup de blabla et un peu de manières, et que l'on suit, pourtant, sans voir le temps passer.
Lien : https://www.manga-sanctuary...
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