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Critique de NMTB


Télémaque c'est un peu le Tintin du dix-huitième siècle. Accompagné de son fidèle Mentor (qui n'est pas un chien, mais la déesse Minerve qui le protège et lui prodigue de sages conseils, dissimulée sous les traits de son précepteur), il parcourt la mer Méditerranée à la recherche de son père Ulysse, comme celui-ci la parcourt pour retrouver sa patrie. Il y a une évolution dans ses aventures homériques (certaines platement moralisatrices, d'autres plus intéressantes) et on peut assez facilement les distinguer, en leur donnant des titres à la façon d'Hergé :

Du livre premier au livre troisième, qui pourrait s'intituler « Télémaque en Orient », le héros visite l'Egypte et la Phénicie, il y constate que les bons et les mauvais rois se succèdent, ce qui permet à Fénelon de comparer les bonnes et les mauvaises façons de gouverner. Car, il faut le rappeler, il a écrit Les aventures de Télémaque avant tout pour éduquer son illustre élève : le duc de Bourgogne, le petit-fils de Louis XIV, dauphin de France, âgé alors d'une dizaine d'années.

« Télémaque dans les îles de l'illusion », du livre quatrième au livre septième, raconte ses aventures en Crète, mais surtout sur l'île de Chypre, l'île de Vénus dont il se fait une ennemie acharnée en refusant de la glorifier, et puis sur l'île de Calypso à laquelle il échappe grâce à une vertu plus affirmée qu'Ulysse. L'amour et les femmes sont les deux grands sujets de cette partie et le prêtre Fénelon se montre sans pitié pour eux. Il n'a pas assez de mots pour condamner le « cruel amour », l'« amour empesté », « ce honteux tyran » qu'il assimile à la luxure et la débauche. Quant aux femmes, tout au long de ce roman, elles ne sont que la source du malheur des héros de la Grèce antique, Phèdre, Clytemnestre, Déjanire, etc. Il n'y a que la chaste et invisible Pénélope qui trouve grâce à ses yeux.

Dans « le roi de Salente », du livre huitième au livre onzième, Télémaque rencontre Idoménée, le roi d'une colonie grecque sur la côte de l'Italie. Presque toutes les autres aventures de Télémaque vont se passer à cet endroit précis (le talon de la botte d'Italie), où Fénelon opère une savante mythification de l'Histoire de ce pays et des peuples qui l'habitaient, tout en faisant des allusions évidentes au règne de Louis XIV. Idoménée, qui n'est pas un mauvais roi, s'est laissé entraîner dans une guerre contre tous ses voisins, il est entouré de mauvais conseillés et gère mal sa cité en construisant de magnifiques bâtiments mais en laissant l'économie partir à vau-l'eau. Bref, tout ce qu'on a pu reprocher à Louis XIV et tout ce que lui-même regrettera sur son lit de mort en donnant ses derniers conseils à Louis XV (d'après ce que rapporte Saint-Simon dans ses Mémoires) : « Mon enfant, vous allez être un grand roi ; ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu pour les bâtiments, ni dans celui que j'ai eu pour la guerre ; tâchez, au contraire, d'avoir la paix avec vos voisins. Rendez à Dieu ce que vous lui devez ; reconnaissez les obligations que vous lui avez, faites-le honorer par vos sujets. Suivez toujours les bons conseils, tâchez de soulager vos peuples ; ce que je suis assez malheureux pour n'avoir pu faire. » Fénelon, à travers Mentor, y développe ses idées politiques, économiques, sociales, avec une place prépondérante donnée à l'agriculture.

Pour les chapitres suivants, je n'ai pas trouvé de titre satisfaisant, avec une bonne « tintinitude ». Disons « La guerre et l'enfer ». Non pas que Fénelon pense que la guerre soit toujours un enfer – pacifiste face aux guerres de conquête, il trouve quand même des vertus dans le combat et les guerres défensives – mais dans ce passage qui ressemble beaucoup plus à l'Iliade qu'à l'Odyssée, Télémaque se bat avec des alliés contre un ennemi commun et il connait la gloire militaire, et d'un autre côté, dans un chapitre intercalé, il part à la recherche de son père dans les enfers. Fénelon, en comparant les rois au Tartare et ceux aux Champs-Elysées, en profite encore pour donner des leçons de morale, sur la manière vertueuse de gouverner.

Et cela continue dans « le retour de Télémaque », la dernière partie. En passant par Salente, avant de revenir sur Ithaque, Mentor donne ses derniers conseils à Idoménée et Télémaque, toujours en insistant sur la vertu.
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