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Critique de malecturotheque


La Malnata commence de façon assez classique : une jeune fille, issue d'un milieu social relativement aisé, se lie d'amitié avec une autre fille, plus pauvre mais qui semble s'amuser beaucoup plus. Pourtant, dans ce premier roman, Beatrice Salvioni réussit à nous raconter une amitié qui est bien plus que l'attraction des opposés.

La Malnata, la Mal-née, est une enfant qui aime jouer sur les bords de la rivière, le Lambro, avec ses copains, Filippo et Matteo. Ils cherchent à attraper des poissons, à voler les lézards coincés entre les griffes des chats… La Malnata est vive autant de corps que d'esprit, elle vit en marge, elle se débrouille, elle s'amuse et elle dit tout haut ce qu'elle pense. Elle n'a peur de rien, pas même du signor Tresoldi dont les colères noires sont connues – qu'importe, elle lui volera ses cerises coûte que coûte. Et puis nous avons Francesca, la narratrice de ce roman. Elle n'est pas très bonne élève mais, qu'importe, ce n'est pas le plus important pour avoir un mari (d'après sa mère) ; elle ne sort de chez elle que pour quelques courses, pour aller à l'école et à l'église. Il n'est pas rare qu'elle voit la Malnata s'amuser sur les bords du Lambro ; l'envie-t-elle ou l'admire-t-elle ? Probablement un peu des deux, au début. Un beau jour, les deux jeunes filles vont enfin se rencontrer – parler et jouer ensemble. Cela marquera le début d'une amitié mais aussi de grands changements.
J'ai beaucoup aimé La Malnata et ce pour plusieurs raisons, à commencer par cette amitié que j'ai trouvé bien amenée, crédible et terriblement émancipatrice. Si Maddalena (que l'on surnomme la Malnata) est déjà très indépendante, sa relation avec Francesca va toutefois lui faire passer un cap et va l'aider à s'ouvrir. Elle a beau se moquer de ce que l'on peut bien dire d'elle, avoir l'oreille attentive d'une amie change beaucoup de choses. Quant à Francesca, c'est indéniablement elle qui a la plus grande évolution. Si la Malnata donne son nom au roman et si elle est bel et bien l'héroïne de Francesca, pour nous qui lisons ce livre, c'est plus subtil et, à mon sens, Francesca en est clairement l'héroïne principale. L'une ne va pas sans l'autre, c'est vrai, et être la narratrice ne fait pas d'elle le personnage principal, pourtant plein d'éléments concourent à cela : Francesca sauve la mise de celle qui deviendra son amie dès le début ; elle ouvre les yeux sur le monde qui l'entoure, échappant à l'indolence que sa mère lui inflige pour penser et agir par elle-même ; elle fait des erreurs, elle grandit, elle apprend. Maddalena est le modèle (presque sacralisé), Francesca est la simple humaine qui tente de ce rapprocher de cette perfection. Pourtant, ni l'une ni l'autre n'est parfaite – et rien ne l'est en ce bas monde.

Le contexte du récit a un impact fort sur l'ensemble du roman. Nous sommes quelques années avant la Seconde Guerre mondiale, dans l'Italie fasciste de Mussolini, le Duce. Pour ce pays méditerranéen, c'est une autre guerre qui se prépare mais cela est bien loin de nos deux jeunes héroïnes. Elles entrent dans l'adolescence, elles découvrent ce que c'est être une femme ; Francesca avec sa mère pour qui les apparences comptent énormément, Maddalena de façon plus indirecte, sans s'en rendre forcément compte, avec sa grande soeur, son grand frère, ses copains… J'ai apprécié suivre les personnages, principaux ou secondaires, dans ce contexte historique. C'était parfois dur, brutal, mais c'était aussi parfois de bons moments, pleins d'innocence et pleins de vie. Mon coeur s'est déchiré et mon coeur a vibré. Et puis il y a cette révolte qui couve tout au long du roman : un partisan fasciste veut une épicerie ? Tant pis pour celui à qui appartient le local, ce n'est plus à lui mais au partisan. Petit à petit, des éléments viennent étayer cette hégémonie – ils semblent d'abord anodins mais se révèlent importants, même pour Maddalena et Francesca.
Moi qui ne connais que très mal l'Italie fasciste de Mussolini, j'ai désormais envie de creuser le sujet à l'occasion. Est-ce que cela veut dire que ce n'était pas assez approfondi dans La Malnata ? Pas du tout. A dire vrai, j'ai trouvé que le contexte historique était justement dosé dans ce roman dont le fil rouge est l'amitié entre deux filles. J'avais envie de découvrir ce livre pour ses héroïnes, l'Italie en 1935 était un plus dans mon envie de lecture. Et en y réfléchissant bien, ce contexte occupe divers champs du récit : on nous parle du quotidien, de l'école, de la classe bourgeoise comme de la classe ouvrière, de politique… Ce sont des petites touches qui, mises bout à bout, prennent un certain espace dans le récit et donnent une vie tangible à Francesca et Maddalena.

La Malnata nous raconte comment deux filles se lient d'amitié et, ensemble, deviennent plus fortes. C'est un récit qui m'a agréablement surprise, qui m'a emportée dans la ville de Monza aux côtés de Francesca et de Maddalena. Cette complicité entre les deux filles était superbe à découvrir, tout comme les amitiés qui grandissent ou celles qui périclitent. le contexte historique crée un sentiment de réel et vient étoffer le texte. Beatrice Salvioni est indéniablement une autrice à suivre, et La Malnata un roman à lire.
Bonne lecture à vous.
Lien : https://malecturotheque.word..
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