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Critique de JeanneViguie


Les destins européens de ces quatre femmes, Liza, Irina, Grete et Lena, m'ont happée entièrement. Quelle chance de parcourir l'histoire européenne à travers les yeux et les âmes de ces femmes "anonymes". Il est rare et précieux de regarder les faits historiques - que nous connaissons pourtant par coeur - depuis une lorgnette à la fois si proche et si universelle. Les trois premiers journaux intimes nous plongent dans les douleurs, les questionnements, les anecdotes de femmes prises dans la marche du XXème siècle. Lena fait ensuite le pont avec le présent et nous rappelle que le chaos de l'Histoire, les haines et les errances du passé, fabriquent celles d'aujourd'hui.

Je n'ai pu m'empêcher de penser à quel point les hasards de l'ascendance nous définissent sans pour autant nous façonner entièrement. Les traumatismes, les absences, les disparitions, les exils, sont-ils transmis et encrés dans l'ADN ?

L'histoire personnelle du couple Lena et Aliocha m'a beaucoup touchée. Leur amour est un fil conducteur de leurs vies, qui ne cesse de les réunir malgré leurs errances individuelles. La quête du passé, du père, de l'identité, entamée par Lena pour aider Aliocha, fait écho aux folies identitaires qui ont mené à des violences innommables et continuent de gangréner l'Europe. Ce parallèle entre quête personnelle et constat universel, identité individuelle et identité des peuples confère au récit toute sa profondeur. Sommes-nous réellement définis par nos ancêtres ? Et à la fois, peut-on se construire sans eux ? Aliocha ne parvient pas à oublier l'absence de son père et surtout l'absence de réponse. Mais ceux qui, au contraire, sont trop certains de leur ascendance, de la réponse à la question "à quel peuple appartiens-tu ?" ont commis et commettent encore les pires atrocités au nom de cette filiation soi-disant sacrée.
J'ai apprécié le ton sincère et cinglant des Livres II et III, sur Lena et Aliocha. L'enchainement des rencontres et des anecdotes, piochées à différents moments de la vie de la narratrice, peint un portrait intéressant et complet de l'intelligentsia européenne des années 70 à nos jours.
Quant au style narratif, la structure asymétrique procure une sensation d'errance dans le récit qui est agréable. La superposition des trois journaux au début, comme une base posée au récit, suivie de la vie de Lena qui incarne la continuité de ces histoires féminines, s'articulent de manière juste et pertinente. Je regrette simplement que les journaux de Liza, Irina et Grete ne soient pas plus fournis, j'aurais aimé connaître encore davantage les histoires de ces femmes, mais on ne réécrit pas l'histoire !
J'ai noté, par moment, quelques "maladresses" dans la syntaxe des phrases, au niveau de la construction. Quelques coquilles également, mais un style globalement presque parfait quand on sait que le français n'est pas la langue maternelle de l'auteur! C'est impressionnant.
Il y aurait bien d'autres choses à évoquer, mais je m'arrête ici.
Merci Jasna !
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