J'ai été bluffée par deux choses : l'écriture, fine et précise, et l'histoire, chaotique à souhait.
Pour ceux qui ne connaissent pas, je vais faire un résumé (très) détaillé des trois premiers chapitres (attention, spoilers !).
L'héroïne, qui n'a pas de nom, vit au 15e siècle dans un village paumé et est amoureuse de son frère adoptif. le jour où ils couchent ensemble, ils décident de rentrer chacun de son côté pour ne pas éveiller les soupçons, mais elle croise le fils du seigneur du coin qui, affriolé par sa mise, la viole, la kidnappe et l'enferme dans une cellule moisie. La nuit même, un démon apparaît à la jeune fille, prétendant pouvoir lui donner le moyen de se venger. « de qui voudrais-tu voler l'anatomie ? – Anders est un être parfait. Il est magnifique et aura bientôt la seigneurie en succession. Il est injuste qu'un tel imbécile soit pourvu de toutes les grâces, tandis que moi je souffre en silence… Je veux son corps ! » le démon la vampirise et la laisse comme morte. le lendemain, son violeur se jette à ses genoux en pleurant, assurant qu'il n'était pas dans son état normal et qu'il fantasmait sur elle depuis longtemps. Il est bien fait de sa personne, alors elle lui pardonne et entame un amour secret avec lui. Mais voilà : sa nature est en train de changer. Au bout du sixième jour, elle ne peut résister à l'appel du sang, dévore son amant… Et prend son apparence !
Ce livre est une succession d'épisodes trashs et choquants. Au début enthousiasmée par l'écriture de l'auteure, je suis passée sur quelques détails qui auraient dû m'alerter. Je ne résiste pas au plaisir de faire un petit récapitulatif :
- Pour commercer, TOUS les personnages importants sont beaux comme des dieux. Ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille, mais les scènes d'amour, réalistes, non idéalisées, étaient suffisamment bien écrites pour me faire passer ce défaut ;
- Tout le monde est sale parce que c'est le Moyen Âge, sauf Kethel (le frère adoptif), qui est propre même quand il travaille. Idem pour l'héroïne (que je vais appeler Elle). le contraste est trop marqué pour être crédible. D'où lui vient cette hygiène ? Qui lui a apprise, si ce n'est ses parents ?
- Parlons-en, de ses parents. Elle serait orpheline, ce serait la même chose. À partir du moment où Elle est enlevée, c'est fini : ils sont sortis de sa vie. La seule chose qu'on sait d'eux, c'est qu'elle les méprise parce qu'ils sont pauvres ;
- Anders-le-violeur devient soudain rependant. Soit. Il avait bu, il n'était pas dans son état normal. Ça n'apparaît pas suffisamment dans la scène de viol (à part son haleine avinée, il n'y a AUCUN signe d'ivresse), mais admettons ;
- La victime renonce à sa vengeance (pourtant terrible) et noue une relation amoureuse si fusionnelle qu'ils passent toutes leurs journées (et leurs nuits) dans la même pièce. Ça va beaucoup trop vite, mais pourquoi pas. Elle est jeune, influençable, il est beau, riche, attentionné et est sans doute sa meilleure chance de se hisser au-dessus de sa condition.
Tout ceci aurait dû m'annoncer que ça n'allait pas tarder déconner. Pour moi, la descente aux enfers commence quand Elle prend involontairement l'apparence de son amant après l'avoir vidé de son sang. Elle perd le sens de la réalité, devient bipolaire, se met à haïr gratuitement des gens qu'elle vient de rencontrer, les met à mort sans sourciller. « Normal, elle est bouleversée après les épreuves qu'elle a traversé. »
Mais non ! En tout cas, je n'ai clairement pas ressenti la mort d'Anders comme étant une souffrance insurmontable. D'ailleurs, Elle se fait très vite à son nouveau corps. « Alors c'est sa transformation, qui l'a changée plus que de raison. »
Sans aucune transition ? Sans qu'elle-même s'en aperçoive ? Sans se remettre en question (elle le fait, mais beaucoup trop tard) ?
C'est mal fait. Cette transformation soudaine d'une jeune fille de seize ans, bien que prétentieuse et égocentrique, en un monstre amoral n'est pas DU TOUT crédible. Vous imaginez qu'Elle met à mort la petite soeur d'Anders parce qu'Elle a remarqué qu'elle s'était amourachée d'Elle ? Et comment s'y prend-t-Elle ? En payant des brigands pour la violer et l'égorger après l'avoir emmenée dans la forêt pour lui faire croire qu'Elle allait la dépuceler…
En somme, les personnages étaient mal maîtrisés. Leur évolution était mauvaise, leur comportement était mal rendu, leurs atermoiements étaient pénibles au lieu de les rendre profonds. Plus on les connaît, plus on se détache – un comble. Mais LE comble, c'est qu'on s'efforce de nous présenter le personnage principal comme étant un être bon malgré son sale caractère. « C'est vrai qu'elle tue à tour de bras, mais elle pourrait en tuer encore plus ! »
Ah bon ?
C'est vrai qu'à côté de Maynard, Anders fait office d'enfant de choeur.
MAIS il n'en est pas moins un sacré salaud, complètement indifférent au sort d'autrui.
Tant qu'à faire, que je vous parle de Maynard ! Ce personnage m'a agacée du début à la fin. On nous dit, la première fois qu'on le rencontre, qu'il exsude la bonté par tous les pores de sa peau pour finalement nous assurer qu'il assassine de sang-froid une centaine de personnes rien que pour faire plaisir à Anders (échec). Il développe une passion sans commune mesure pour le meurtre et la souffrance SANS AUCUNE TRANSITION. Son goût du sang et des massacres est terriblement prononcée – gratuitement. Et ce n'est pas tout ! On apprend plus tard qu'en réalité, c'était un démon depuis le début.
Mais…
Quel est l'intérêt de se faire passer pour un ange quand on veut démarcher un démon ?
Et puis, je trouve que le passage où Elle devient Anders est sous-exploité. Je m'attendais vraiment à un sentiment d'horreur, de désorientation, d'impuissance, de désespoir quand elle verrait son cadavre. Un corps, c'est une vie : c'est notre apparence, notre sensibilité, nos complexes, nos fiertés, nos repères, nos cicatrices. À sa place, j'aurais fait une sérieuse crise de nerfs.
Mais revenons sur un détail.
À quoi servait l'amourette avec Kethel ? Longtemps, j'ai cru qu'on allait le revoir, qu'il allait permettre à Anders de se remettre en question, de se souvenir de la jeune fille qu'il/elle était, que ces retrouvailles allaient susciter des émotions terribles, entre l'amour, la déception et le désespoir.
Non, Kethel ne revient pas. Il ne sert à rien.
À part caser une scène de pseudo-inceste pour nous pseudo-dégoûter.
Et vous savez comment ça finit ? Anders, après avoir assassiné son amant, s'assoit et ne fait plus rien pendant un siècle.
Quand on y réfléchit, les événements qu'on nous décrit se déroulent sur un an, peut-être un an et demi. Est-ce possible de déprimer pendant UN SIÈCLE pour une seule mauvaise année ? J'ai éprouvé beaucoup de mépris pour ce personnage qui se targue d'être au-dessus de la plèbe, qui s'estime supérieur même aux nobles, que tout le monde admire, dont certains se sont mêmes sacrifiés pour lui permettre de vivre, et qui finit si misérablement malgré son orgueil.
Je ne lirai pas le tome 2. J'ai vaguement survolé le début, on reprend les choses là où elles se sont arrêtées : Anders, assit sur son trône, regarde les tapisseries se faire dévorer par les mites. Comment peut-on s'intéresser à un roman avec une telle introduction ?
Bref, je suis complètement passée à côté de l'histoire. À part l'écriture (vraiment très très bien, j'insiste là-dessus), je n'ai pas vu de point positif. Finalement, j'ai l'impression d'avoir lu une fanfiction améliorée plutôt qu'un roman – sans doute à cause des scènes de sexe, ça me fait penser au yaoi.
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