Le deuxième tome de la traversée des temps d'Eric-Emmanuel SCMITT était sur ma liste de lecture depuis un certain temps déjà, réservant le roman pour un moment où mes envies seraient celles d'une littérature simple, efficace, romanesque. Je n'ai pas été déçue. Par une écriture extrêmement imagée et rythmée et des personnes qui imprègnent, l'auteur nous plonge au coeur de la Mésopotamie du IIIème millénaire avant notre ère.
Des milliers d'années séparent ce nouveau récit du 1er tome du même auteur, Paradis Perdus. On se rappelle qu'à la fin du premier roman, Noam avait été reconnu par Noura, décapité par Derek, et laissé pour mort. Dans La Porte du Ciel, nous retrouvons Noam, éveillé dans une grotte, ayant manifestement survécu à cette sentence. Noura se trouve à ses côtés. Tous les deux se rendent comptent que la foudre qui les a frappés dans le 1er tome ne les immunise pas seulement des blessures et de la vieillesse, mais également de la mort elle-même. Ils sont immortels, et devinent que Derek, le frère de Noam, bénéficie de cette même capacité.
Le récit s'ouvre sur la révélation de cette particularité. On comprend qu'elle sera la ligne directrice de l'ensemble des romans, Noam représentant la force poussant vers le bien des civilisations, Derek le mal poussant vers la destruction, et Noura, l'objet désirable de ces deux affrontements. le tempo __ pour ne pas dire la clé de l'histoire__ est donné.
Quant à la narration, celle-ci commence par les retrouvailles de Noam et Noura, qui reprennent leur idylle passée. Noura est ensuite enlevée et Noam part à sa recherche, durant plusieurs années, en vain. Il apprend que Nemrod, roi de Babel, envoie des soldats dans le monde entier pour que lui soit ramené « la plus belle femme du monde ». Noam suppose que ce sont ces soldats qui ont enlevé Noura, et se rend à Babel.
Sur le chemin, il croise la route de Gawan, dit le magicien, et dévoué à la reine Kubaba du Royaume de Kish. Il croise également la route de Saul, un Bucheron, et Mael, son fils. Noam guérit Mael, et par se fait, se lie d'une amitié indéfectible auprès de ce père et fils. Arrivé à Babel, Noam se rend compte que Nemrod n'est autre que son frère, Derek, et que ce dernier impose à la cité, la construction d'une tour qui serait « la porte du ciel ». Conseillé par un architecte, Gungunum, et un astrologue, Messilim, Derek – dit Nemrod - poursuit cette construction folle par les moyens humains les plus destructeurs. Il pousse la ville de Babel jusqu'au bout de ses ressources. En face, il trouve la résistance de Noam, et d'Abram, dernier personnage clé du récit. Ce dernier s'avérera décisif dans cette nouvelle lutte fratricide…. On taira la fin de l'histoire.
Quant à une critique, comme indiqué en préambule, le roman plaira à qui souhaite être emporté dans un récit profondément immersif. le texte a l'avantage d'être à la fois imaginaire, par des éléments fantastiques tenant par exemple à l'immortalité de Noam, Noura et Derek, et à la fois réel, par des références extrêmement documentées sur l'histoire du Proche Orient, cadre historique du récit. Les clins d'oeil aux dernières découvertes archéologiques de cette région sont nombreux. Gawan exécute ses tours de magie grâce à l'écriture sur des tablettes cunéiformes. Mael se sert de ces mêmes tables pour narrer les aventures d'un certain Bilgamesh. La reine Sumérienne Kubaba oeuvre de diplomatie pour sauver sa cité des appétits destructeurs de Derek. Tout se passe comme si la réelle histoire de la Mésopotamie nous était racontée, y compris par la reprise de récits bibliques, sous une version rationalisée. Seul défaut, le lecteur comprend très vite la lutte opposant Noam et Derek, ce qui le conduit à anticiper la quasi-totalité des évènements. « Une histoire bateau » comme le dit l'expression. Mais le passager ne regrettera pas la vogue sur ces eaux.