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Critique de Eve-Yeshe


19 août 1991, un cortège de trois voitures passe dans la rue où Gavin est en train de réparer son vélo rouge, avec sa cousine Angela. Il s'agit du rabbin Yosef Lifsh, qui se rend à la synagogue et de son escorte. le feu passe à l'orange alors que les deux premières voitures sont passés, le chauffeur de la troisième décide de suivre provoquant un accident dramatique : Gavin va y laisser sa vie et Angela aura les jambes brisées.

Les secours ont été appelés : ambulances privées, publiques mais c'est trop tard pour Gavin, et les esprits s'échauffent, pour les habitants du quartier toutes sortes de rumeurs se propagent comme une traînée de poudre : l'ambulance aurait préféré emmener le chauffeur blessé, c'est une faute, le chauffeur était ivre, il n'avait pas le permis, il a fait exprès de tuer l'enfant…

Les magasins juifs sont pillés, un touriste juif qui passait par là est tabassé à mort, avec des slogans ahurissants tels que « vive Hitler », « à mort les juifs » etc. Galvin est Noir donc c'est forcément un acte volontaire…

Dans ce quartier de Crown Heights, les deux communautés ont toujours cohabité sans problèmes particulier, mais la mort de l'enfant va déclencher une montée de haine, alimentée par des jeunes Noirs qui veulent en découdre et transforme la vérité, puis les journalistes.

Une jeune étudiante Esther tente de mener son enquête, n'hésitant pas à se rendre sur les lieux, à rencontrer des personnalités du moment, tel Frederick, professeur de littérature à l'université, passionné par « Madame Bovary » qu'il tente de faire découvrir à ses étudiants. C'est un professeur apprécié qui a été nommé à ce poste parce qu'il fallait des professeurs noirs à l'université et certains sont choqués qu'il puisse enseigner Flaubert, car ce n'est pas ce genre de littérature que « devrait enseigner un Noir ».

Esther est juive, sa famille, originaire de Kichinev, a dû fuir les pogroms en Ukraine, et dans la famille personne n'en parle, ou du moins Esther n'a pas envie d'en savoir plus sur la tragédie familiale, mais comment réussir sa vie quand on nie ses racines, c'est ce que tente de lui faire comprendre Frederick.

Esther et Frederick tombent amoureux, mais il est marié, a des scrupules vis-à-vis de sa femme et de leur fille et surtout, il est plus âgé qu'Esther. Ce couple Noir-Juive entre en résonance avec la situation dans le quartier, car la violence ne frappe pas que les noirs des quartiers défavorisés, et le statut de professeur ne met pas à l'abri de dérapages policiers.

L'auteure fait souvent référence à James Baldwin, à Philip Roth et aussi à un écrivain « russo-ukrainien » que j'apprécie beaucoup : Vladimir Korolenko en évoquant un de ses textes sur le pogrom de 1903 à Kichinev :

« Vladimir Korolenko se demande comment un voisin peut se transformer en monstre. Comment les « retenues ordinaires de civilisation peuvent disparaître aussi rapidement ». Vladimir Korolenko n'offre pas de réponse. »

J'ai beaucoup aimé ce roman, la mise en parallèle d'un accident mortel qui dégénère en haine sur fond de discrimination raciale, qui gangrène à tous les niveaux. Je mets deux bémols : d'une part, l'idylle entre Esther et Frederick, leurs tourments intimes, sont un peu fade par rapport à ce qui se passe dans le quartier, mais l'exercice est difficile, on a toujours tendance à préférer le sujet principal.

Quant au second bémol : Colombe Schneck a choisi de varier les moments, les dates dans sa narration, tantôt on est dans le passé, tantôt dans le futur par rapport à l'accident et je trouve que cela n'apporte rien de plus au texte, si ce n'est stimuler la vigilance du lecteur. Je précise que ce sont de petits bémols, l'exercice étant difficile.

L'auteure présente son roman comme une histoire d'amour sur fond d'émeutes sociales, mais je trouve que c'est beaucoup plus qu'une simple histoire d'amour, à mon avis. C'est le premier livre de Colombe Schneck que je lis. Certes, j'ai suivi sa carrière de journaliste mais je remettais toujours à plus tard, la découverte de son oeuvre littéraire notamment « La réparation », consacrée à la déportation des membres de sa famille…

Un immense merci à NetGalley et aux éditions Stock qui m'ont permis de découvrir ce livre et de commencer à parcourir l'oeuvre littéraire de Colombe Schneck.

#NuitsdétéàBrooklyn #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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