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Critique de ODP31


ODP31
05 septembre 2020
Roman incognito.
A croire que ce roman a voulu copier l'obsession de son héros, passer inaperçu et débarquer au mauvais moment, au mauvais endroit, bouche cousue et masquée à destination d'oreilles sourdes.
Cadeau d'une amie, je suis content de sortir de sa clandestinité Vollie Frade, alias Dwight Tilly, surnommé « le Volontaire ».
Dans le seul but de fuir une vie morne au fin fond de l'Iowa, un jeune garçon s'engage dans l'armée sans avoir atteint l'âge légal et part au Vietnam. Il va rempiler deux fois, non par foi patriotique ou par appétit guerrier, mais pour échapper à son existence et voir le néant en face. Cantonné au riz, ce n'est ni Rambo, ni le colonel Kurtz, mais à sa façon, il surfe sous les bombardements. Il ravitaille les bases en camion, slalomant entre les mines et jouant le rôle de la cible pour les tirs ennemis. Il est juste un matricule qui va être fait prisonnier au cours d'une opération clandestine.
L'évocation un peu distanciée de ce héros fataliste par rapport aux scènes de guerre et de massacres éloigne ce roman des films qui hantent ma mémoire dès qu'on évoque ce moment de l'histoire. L'auteur nous offre un Platoon plutôt platonique, Good Morning Vietnam un peu blasé pour un voyage guidé au bout de l'enfer. Ce récit m'a davantage rappelé l'atmosphère des films de Terence Malick car, à sa façon, ce volontaire traverse son roman comme un fantôme, juste fardé de son âme.
Dans une seconde partie, libéré après plus d'un an de captivité, le volontaire doit changer d'identité et rentre au pays pour oeuvrer incognito à New York pour les services secrets. Il part à la recherche d'un homme. Il se fond dans la masse mais son nouveau « lui » commence à se poser des questions et à se rappeler son ancien « moi ». La guerre intérieure des pronoms. Il se salit les mains, souille sa conscience et fuit à nouveau pour faire stationner sa carcasse dans un ancien camps de hippies. Il se met en couple avec Louisa qui élève tant bien que mal un fils, Elroy, avant de reprendre la route, toujours traqué par son passé.
Je donne l'impression d'en dire beaucoup et pourtant je ne fais qu'effleurer l'écorce de cette histoire. La force de ce roman très américain par sa densité, qui ne succombe pas aux sirènes du light, c'est qu'il est multiple. Etalée sur trente ans, l'histoire interroge magnifiquement les thèmes de l'identité, du lien de paternité, de la guerre et de la solitude. Triple cheese mais le ketchup et la mayo ne coulent pas sur les doigts tant Salvatore Scibona suggère plus qu'il n'évoque. Aucun personnage ne tombe dans la caricature, se succèdent juste des hommes et des femmes qui se cherchent sans jamais se trouver.
Avant d'être séduit, je fus un peu désarçonné de mon canasson car les acteurs de ce roman semblent parfois improviser, prendre des décisions radicales sans logique ni réelles motivations. Un reflet de la vraie vie peu coutumier dans mes lectures mais qui rappelle que tous nos actes ne sont pas réfléchis et obéissent à des intuitions irrésistibles. L'auteur décrit avec beaucoup de subtilité cette part d'inconscient.
le roman s'ouvre sur un petit garçon abandonné dans un aéroport, belle métaphore qui fait du monde un orphelinat. Je vous laisse découvrir ce qui l'unit au Volontaire.
Aventure mélancolique.
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