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Critique de Presence


Il s'agit du premier tome d'une nouvelle série indépendante de toute autre, débutée en 2012. Il comprend les épisodes 1 à 5, avec un scénario de Tim Seeley et des illustrations de Mike Norton, avec une introduction de Jeff Lemire, et des couvertures de Jenny Frison.

L'histoire se déroule à Wausau, une petite ville dans l'état du Wisconsin. Les événements commencent le 02 janvier alors que May Tao effectue un reportage sur la crémation au funérarium de la ville. Randy (employé chargé d'effectuer les crémations) explique ce qu'il fait à May. À peine le cercueil enfourné, des coups retentissent dans la chambre de combustion ; un corps à la peau carbonisé en ressort. Une petite fille reprend conscience juste à coté et demande à retrouver ses parents. Dans la ville de Wausau, plusieurs morts reviennent à la vie, avec toute leur conscience. Évidemment ce phénomène surnaturel ne passe pas inaperçu, charge à Wayne Cypress (le responsable de la police) de maintenir l'ordre. Il doit à la fois faire respecter la quarantaine mise en place sur la ville, s'assurer que les curieux n'y accèdent pas, et maintenir l'ordre public. Il doit également continuer d'accomplir le travail de police de routine, tels qu'intervenir en cas de bagarre dans un bar, séparer les époux qui en viennent aux mains, etc. Ses moyens humains n'étant pas extensibles, il affecte Dana Cypress (sa fille qui est également officier de police) aux signalements concernant les réanimés.

Tim Seeley s'est fait connaître avec Cassandra Hack, une exterminatrice de tueurs en série de type slasher (à commencer avec Hack/Slash Omnibus 1 en anglais). Mike Norton a illustré plusieurs histoires de Green Arrow & Black Canary (A league of their own) et ses propres créations (The Curse). La première scène permet de rentrer tout de suit dans le vif du sujet : quelques morts sont revenus à la vie (23 cas recensés), sans explication rationnelle. Seeley et Norton installent d'entrée de jeu un climat très particulier, déconnecté des clichés et des stéréotypes propres aux histoires de revenants ou de zombies. L'histoire est racontée au travers des yeux d'une poignée de personnages, en particulier ceux ce de Dana Cypress. Les séquences alternent la découverte de cette communauté où chaque habitant a son histoire personnelle, sa relation avec les voisins, avec quelques découvertes macabres. Il y a par exemple cette femme âgée revenue à la vie, incapable de supporter le fait que son corps soit en meilleur état, incapable de supporter l'idée que Dieu lui a refusé le Paradis. Il y a cette jeune étudiante qui a été assassinée, sans souvenir de son meurtrier, et qui a la possibilité de se faire passer pour une vivante normale. Et puis il y a leurs familles qui sont plutôt contentes de pouvoir retrouver leurs disparus. Il y a également les familles d'autres personnes mourantes qui ont du mal à accepter que leurs proches ne bénéficient pas eux aussi d'un prolongement de leur vie. Il y a les questions philosophiques sur la signification de ces retours à la vie. Il ya Blaine Abel (exorciste de profession) qui voit là une chance inouïe d'obtenir une preuve de ses convictions.

La force de la narration de Seeley est d'équilibrer les passages normaux, les interactions entre les personnages qui permettent au lecteur de se familiariser avec eux, et les passages macabres qui indiquent sans aucun doute possible que ces retours s'accompagnent d'un prix à payer. Il sait aussi bien donner de la personnalité à chaque rôle sans tomber dans une sitcom, que créer des moments horrifiques aussi inattendus que dérangeants. Les illustrations de Mike Norton sont dans une veine réaliste qui n'exagère pas les mouvements ou les expressions, avec une légère trace juvénile, une tendance à dépeindre les jeunes femmes de manière à les faire apparaître comme ayant toutes moins de 20 ans. C'est le seule défaut des images. Pour le reste, Norton colle parfaitement à cette volonté de normalité où chaque scène offre une vision d'un nouvel endroit de la petite bourgade. Comme Seeley, il sait montrer le quotidien dans ce qu'il a de banal, sans en devenir fade ou inintéressant. Les personnages disposent tous d'une identité visuelle marquée et plausible. Tous les personnages (sauf quelques réanimés) se conduisent comme des gens normaux, s'habillent en fonction de la température (un hiver assez froid), et évoluent dans des endroits réalistes.

Norton doit également rendre crédible les passages horrifiques, tâche pas toujours facile. La sortie abrupte du four crématoire est acceptable, sans être vraiment horrifiante, car Norton joue la carte de la retenue. En fait la petite fille qui vient demander après ses parents est beaucoup plus dérangeante dans sa normalité et sa timidité. La vieille dame avec son problème de dents comporte des éléments gore très réussis, sans que Norton n'en fasse de trop. En fait les moments liés à des actes barbares ne deviennent moins crédibles que lorsqu'ils sont commis par des humains normaux. Par exemple, quand Blaine Abel kidnappe une personne pour l'attacher sur un camion de remorquage, le style sans exagération de Norton met plutôt en avant l'idiotie de l'acte d'Abel (et le peu de crédibilité de ce moment dans le scénario), au lieu de créer un sentiment de malaise ou d'inquiétude pour la personne enlevée.

Tim Seeley et Mike Norton ont créé une série avec un point de départ assez original qui sort du lot des séries du genre zombies ou fantômes, et ont développé une ambiance spécifique qui installe le lecteur comme témoin privilégié au sein de cette communauté. Au fil des pages, les habitants deviennent fort sympathiques, et les phénomènes surnaturels terrifiants à souhait. Il subsiste de ci de là quelques moments moins crédibles, sans que cela ne remettent en cause le plaisir de lecture.
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