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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Bienvenue à la maison (épisodes 1 à 5) qu'il faut impérativement avoir lu avant. Il contient les épisodes 6 à 11, initialement parus en 2013, écrits par Tim Seeley, dessinés et encrés par Mike Norton, mis en couleurs par Mark Englert, avec des couvertures de Jenny Frison.

Un flash info (en 1 page) rappelle la situation : des personnes sont revenues à la vie dans la petite ville de Wausau dans le Wisconsin. La police locale aidée par la police de l'état a établi des barrages sur les voies d'accès pour éviter que les ressuscités n'essaiment dans tout l'état et pour éviter l'afflux de curieux dans la ville. Clyde Birch (un orateur célèbre) arrive à bord de son car (à son nom) pour tenir un discours très à droite sur les droits des citoyens à circuler librement, et sur l'ingérence de l'état dans cette affaire, certainement pour dissimuler quelque chose. May Tao se fait tancer par sa chef pour avoir été incapable d'envoyer des clichés à son journal. Cooper Hinch continue de jouer dans la neige, avec son ami ectoplasmique. Dana Cypress continue à interroger les revenants, à commencer par Anders Hine, pris en charge par l'infirmière Ann Moss. En parallèle, elle essaye de convaincre Em (sa soeur) de lui en dire plus pour avancer sur la recherche de son assassin. Derek Hinch (le père de Cooper) a repris ses activités de tatouage à domicile, en s'entraînant sur Nikki Jensen (sa compagne). Les frères Check (Adam, Andrew et Anthony) ont loué sa cabane de jardin pour s'entraîner avec leur scie circulaire. Wayne Cypress (le shérif) a quelques différends avec Ken Dillisch (le maire). Lester Majak continue d'animer son émission de gymnastique. Etc.

Le début de ce deuxième tome fait un peu peur, non pas du fait des agissements des revenants, mais du fait du nombre de personnages : Blaine Abel, Clyde Birch, Dana Cypress, Martha Ann Cypress, Wayne Cypress, Chris Gruna, Jimmy Heckendorf, Jamie Hettinga, Rick Hettinga, Cooper Hinch, Anders Hine, Ann Moss, Ibrahaim Ramin, Sobieski, May Tao, Thang Vang... rien que pour le premier épisode. Si le lecteur n'a pas lu le premier tome récemment, il lui faudra un peu de temps pour reprendre pied. Cela n'empêche pas d'être happé par le récit. Dans les premières séquences, Seeley s'attache à la situation de quarantaine de Wausau, et aux personnes essayant de la briser. Surprise : il y en a plus qui essayent de rentrer que de sortir. Il y a aussi l'arrivée des premiers vautours médiatiques, souhaitant profiter de cet événement pour se mettre en avant, avec cette réplique très drôle mettant en exergue que les revenants seront instrumentalisés pour permettre aux gauchistes et aux libéraux de s'étriper (comparant la situation à un match Ted Nugent versus Dixie Chicks, référence culturelle américaine un peu pointue).

Tim Seeley s'amuse à mettre en exergue les travers de la société américaine (un gros bouseux qui a installé un piège sur sa pelouse, recouvert par la neige, sans parler du droit constitutionnel à posséder une arme... et à s'en servir bien sûr), mais pas seulement. Il s'avère que la présence des revenants provoque la mise à jour de comportements moralement répréhensibles (voire criminels) de plusieurs habitants. Sous une apparence calme et pépère, la ville abrite des citoyens qui ont des choses à cacher, allant de l'adultère au meurtre. Quand on additionne ça à de farouches défenseurs du droit de port d'armes, on aboutit à des situations particulièrement dangereuses. Il s'en suit une montée de violence brutale et expéditive peu reluisante allant du petit vieux pas si inoffensif que ça, à l'usage non prévu de la scie circulaire, en passant par de la cervelle qui gicle. En outre un autre personnage a un problème de dent qui se déchausse, ce qui fait écho à l'une des scènes les plus repoussantes du premier tome.

Tim Seeley se révèle un scénariste des plus habiles puisqu'il ne fait pas exclusivement reposer son récit sur des scènes d'horreur à forte valeur choc, ou une moquerie facile des travers de la société américaine. Les principaux personnages ont également la place d'exister (vu leur nombre, pas tous ceux cités ci-avant) et ils présentent une personnalité complexe, entachée d'un ou deux défauts qui les rendent normaux et très humains. Cette approche des protagonistes contrebalance l'amoncèlement de pratiques douteuses dans une si petit bourgade et génère une empathie immédiate auprès le lecteur. du coup quand il découvre que certains revenants ont commencé à se réunir dans une congrégation, il perçoit encore mieux les liens affectifs qui existent dans cette communauté, lui donnant la sensation d'être accueilli en son sein. Cette sensation vient neutraliser l'impression d'être perdu au beau milieu d'une pléthore de personnages. C'est donc avec plaisir qu'il fait la connaissance (ou qu'il apprend à connaître) un peu mieux plusieurs personnages dont l'inénarrable Lester Majak. Ce dernier doit beaucoup également à Mike Norton pour sa silhouette élancée, tout en restant plausible pour son âge, et son visage tour à tour expressif ou indéchiffrable.

Comme dans le premier tome, Norton a l'art et la manière de rendre cette petite plausible dans toutes ses facettes : depuis les grandes routes y menant, jusqu'aux intérieurs des maisons, en passant par les bois enneigés, les abris de jardin, et le commissariat. En fonction des endroits, Norton va insérer plus ou moins de détails pour les rendre plus consistants. Cette différence de niveau de détails donne parfois un aspect préfabriqué à certains endroits. de même pour les personnages, Norton va plus ou moins peaufiner leur apparence, ou leur visage. En règle générale, le niveau de finition procure un bon niveau d'immersion. Il y a quelques scènes où les visages sont un peu frustes, ou un arrière plan trop simplifié, ce qui va rompre le charme le temps d'une ou deux cases. La mise en couleurs de Mark Englert vient compléter les dessins de manière discrète et efficace pour soutenir les textures et les éclairages. Il y a vraiment un élément un peu agaçant à force : les flocons de neige. Il apparaît vite que Norton a dessiné des flocons de neige sur un calque qu'il applique systématiquement sur chaque scène où il neige, créant l'impression qu'il s'agit à chaque fois des mêmes flocons tombant exactement dans la même disposition (ce qui est le cas, vu qu'il s'agit de la même représentation collée par-dessus les dessins à l'infographie).

Ce deuxième tome de la série n'est pas parfait (le scénariste a la main lourde en ce qui concerne les révélations de comportement criminel à Wausau, et les dessins manquent parfois de nuance). Toutefois, Seeley a concocté un thriller avec plusieurs niveaux de suspense sans oublier d'étoffer les personnages en les rendant très humains par le biais de leurs défauts, et Norton crée une ville crédible, développée, avec ses particularités, en rendant très bien la sensation d'espace et d'hiver. de page en page, l'immersion se fait plus intense pour envelopper complètement le lecteur qui frémit de plaisir à la découverte de toutes ces horreurs bien noires.
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