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Critique de Chestakova


Anna Seghers a quitté l'Allemagne nazie où ses livres sont brulés, elle termine « La septième croix » en 1939, entre Paris et Marseille avant de rejoindre Mexico où le roman est publié en 1942. Dans la tension de l'exil, les lignes qu'elle écrit portent un universalisme vibrant, prophétique, en forme d'adresse à tous les vivants, ceux du temps d'alors et tous ceux qui viendront, en Allemagne et ailleurs :
« Maintenant, c'est nous qui sommes ici, ce qui survient nous concerne »
Elle campe le décor de son récit en 1934, dans ces terres fertiles de confluence où elle a grandi, entre Mayence et Frankfort, sur les rives du Rhin et du Main, noyées dans le brouillard et les couleurs de l'automne. Toute une humanité y prend forme au fil des pages, dans un quotidien rythmé par des saluts d'un nouveau type, scandés de « Heil Hitler ». Les quartiers de Frankfort, ses rues, ses usines, ses tramways, semblent aussi tranquilles que les paysages vallonnés du Taunus, tout proches, ponctués de champs et de fermes, lourds d'histoire et pourtant si légers, sous les pas de ceux qui y vivent. Derrière cette simplicité pourtant, le danger est partout. La force du livre est de le mettre en scène, aussi bien dans la violence réelle que par son total contraire.
Georg Heisler s'est échappé avec six autres détenus du camp de Westhofen. Commence alors une chasse à l'homme qui viendra s'immiscer dans la simplicité des jours à travers la fuite de Georg, qui défie SS, SA, gestapo en passant à travers les mailles de leur traque. le roman raconte ce que cachent les apparences lorsque l'oppression et la terreur ont force de loi. Il raconte les peurs, les haines, le courage malgré tout, pour ces amis de Georg qui réussissent contre toute attente à faire naître une chaîne de solidarité pour le sauver. Anna Seghers ne met pas en scène un héroïsme grandiloquent, ses héros ont la dignité des choses simples et le quotidien est résistance, comme l'est la vie elle-même en opposition à la tyrannie. Cette vie se fait flamboyante dans ses petits détails au jour le jour : les brioches à la vapeur de Liesel Röder, la tarte aux pommes sur la table des Marnet, les streuselküchen à la pâte sablée, loin de la torture des camps et de la faim, comme une évidence d'humanité.
La croix de Georg restera vide. Sa fuite est ainsi la rédemption de tous les autres, ceux qui ont été rattrapés, ceux qui sont restés au camp et bien au-delà, de tous ceux qui tomberont.
Anna Seghers écrit là un chef d'oeuvre en faisant de la vie elle-même, le principe fondateur de la résistance.
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