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Critique de markko31


Curieux d'imaginer qu'au moment où l'Occident vit un An Mille tourmenté, fait de conquêtes et d'invasions incessantes, le Japon resplendit d'un âge d'or esthétique d'une élégance rare. du moins chez les élites...

Celles-ci se vouent toutes entières au culte du beau et à une douce volupté. Une aristocratie hédoniste au raffinement poussé à l'extrême. Les hommes doivent bien porter l'habit, faire preuve de sensibilité plus que de courage. Les femmes sont surtout courtisées et considérées pour leurs attraits physiques faisant office de vertu cardinale mais aussi pour leur bel esprit et leurs qualités artistiques. Néanmoins, nous ne sommes pas dans notre XVIIIème siècle libertin. L'auteur nous le conte par diverses anecdotes: les liaisons se doivent d'être vécues à l'écart des regards, sans bruit, la nuit, nourries le jour de poésies épistolaires, de billets sibyllins échangés par domestiques interposés, et si la femme se trouve plutôt considérée, sa situation n'est en rien un privilège et réclame humilité et discrétion.

Sei Shonagon, dame d'honneur de l'Impératrice, couche sur papier à peu près tout ce qui lui passe par la tête, sans ordre précis, ce qui donne à ses écrits intimes une structure pour le moins lâche, fonctionnant par associations d'idées et digressions constantes.
Listes, anecdotes de la Cour, pensées sur les beautés de la nature, bribes éthérées comme saisies à la volée, qui au fur et à mesure de la lecture réussissent à nous donner un aperçu, ou plutôt une impression d'une époque à la délicatesse a priori tellement éloignée de nos préoccupations contemporaines. Et pourtant, l'auteur se révèle une grande observatrice de ses semblables et touche souvent juste quant à la nature de l'âme humaine. Facilement encline à faire part de son admiration, l'auteur sait aussi être lapidaire et peut avoir la dent dure concernant certain(e)s de ses congénères, la laideur ou le manque d'élégance étant totalement inexcusables dans cette société uniquement régie par le beau, valeur suprême dépassant le bon ou le moral.

Tout en restant un regard de femme bien née dans un monde en vase clos, la vision de Sei Shonagon surprend par sa sensibilité esthétique exacerbée, sa capacité d'émerveillement parfois candide sans tirer vers la naïveté, grâce à son écriture précise et pourtant nuancée comme une …estampe japonaise (damned, tu l'as vue la porte ouverte bien enfoncée, là ? Pourtant c'est tellement vrai) Une économie de mots faisant naître une image éminemment poétique, et laissant le lecteur éprouver l'émotion sous-jacente, sans forcer les choses, sans explications inutiles.

Et puis comment ne pas avoir envie de reprendre ces listes à son compte
Choses qui émeuvent profondément
Choses qui ont une grâce raffinée
Choses qui font battre le coeur
Choses difficiles à dire
Choses qui semblent éveiller la mélancolie

Comme l'a dit Mr. SCHOTT (celui des Miscellanées) : Sei Shonagon "a élevé la liste au rang de genre poétique ".
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