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Critique de Ahoi242


Il y a quelques semaines de cela mes enfants sont revenus à la maison avec un néon cassé et abandonné dans la rue. Quand je leur demandais la raison, ils me répondirent que ce n'est pas opportun de laisser dans la rue un néon cassé, qu'il fallait le jeter dans un endroit spécifique pour protéger la planète et qu'ils n'étaient pas contents d'en avoir laissé un deuxième dans la rue - à ce jour, le néon cassé trône toujours dans mon salon. Ce geste de mes enfants m'a rappelé une phrase de la souris qui sauva toute une montagne lorsque la souris dit à la montagne « Rien n'est jamais perdu tant qu'un enfant existe ».

Avant de revenir sur le livre inspiré d'Antonio Gramsci, rappelons que Gramsci est davantage connu pour ses carnets de prison - il en a écrit plus d'une trentaine -, sa pensée devenue monde - à tel point que de l'extrême gauche, en passant par la gauche et la droite*, à l'extrême droite**, on s'en réclame - et sa définition de la crise comme : « La crise consiste justement dans le fait que l'ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés » que pour ses écrits et/ou positions écologistes***.

Cette question - l'écologie - est le thème d'un conte sarde que Gramsci avait transmis depuis sa prison à ses deux garçons, Delio et Giuliano, et qu'Alain Serres et Aurélie Fronty adaptent dans une très belle bande dessinée (pour les jeunes enfants) aux éditions Rue du monde dont le slogan est "Les oiseaux ont des ailes les enfants ont des livres".

C'est l'histoire d'une souris verte honteuse d'avoir bu le bol de lait destiné à un enfant, Toni, qui va lui chercher du lait. Ce qui va se transformer en véritable gageure car « sur cette terre de Sardaigne, sèche comme une bogue de châtaigne, il n'y a rien de plus difficile à trouver ». En effet, les chèvres ne produisent plus de lait car elles n'ont plus d'herbe, l'herbe ne pousse pas car il n'y a plus d'eau, la fontaine ne donne plus d'eau tant qu'un « maçon [ne] me reconstruira [pas] acec de belles pierres. Solides et fraîches », la montagne ne donne plus de pierres car « ils [les hommes] m'ont tout pris, tout volé : ma roche pour faire des sols étincelants, mes arbres pour dresser des palais, montre des tours et même bâtir une prison pour ceux qui ne sont pas de leurs avis… Ils m'ont pris mes plantes pour agrémenter leur châteaux de parcs et de jardins. Ils m'ont pris mes oiseaux, mes animaux, pour les manger, les voraces ! Et mes souvenirs pour distraire les imbéciles à la fin de leurs festins. Dans leurs camions puants, ils ont emporté ma vie et m'ont laissée mourir sous le magnifique mais terrible soleil de Sardaigne. Il ne me reste que quelques malheureuses prières pour me tenir, encore, presque debout. Pour combien de temps ? ». Au début, la montagne ne veut pas croire la souris car « comment croire une souris quand tous les humains m'ont trahie ? » mais cède car la souris promet que « cet enfant te redonnera la vie » et que la montagne pourra punir la souris en s'effondrant sur elle si elle ne respecte pas sa promesse. La montagne donner finalement des pierres à la souris afin que le cycle permettant de produire du lait se déroule. À la fin, Toni obtiendra son bol de lait et, ayant grandi, montera nourrir son amie la souris verte qui désormais surveille tout en haut de la montagne.

Ce conte sarde transmis par Gramsci est très bien raconté - très accessible pour des enfants - par Alain Serres pour le texte et très bien dessiné - de superbes couleurs et une couverture très attirante - Aurélie Fronty et ne s'adresse pas qu'aux enfants mais également aux adultes. Et si vous croisez une souris verte qui court ne l'attrapez pas par la queue pour la montrer à ces mesieurs car elle pourrait bien sauver la montagne et l'humanité avec l'aide de nos enfants.

* Nicolas Sarkozy déclarait ainsi : « Au fond, j'ai fait mienne l'analyse de Gramsci : le pouvoir se gagne par les idées. C'est la première fois qu'un homme de droite assume cette bataille-là. » Nicolas Sarkozy, Le Figaro, 17 avril 2007.

** Pour rappel, à son procès, le procureur (fasciste) déclara le 4 juin 1928 que « Pour vingt ans nous devons empêcher ce cerveau de fonctionner » et le Tribunal spécial le condamna à 20 ans, 4 mois et 5 jours de prison. Malade, Gramsci n'ira pas au terme de sa peine et, libéré en 1935, décédera quelques jours après sa sortie de prison. Surtout, son cerveau ne cessera de fonctionner en prison comme en témoigne ses nombreux carnets.

*** Même si les idées de Sarkozy ne sont certainement pas celles de Gramsci, reconnaissons à celui-là le Grenelle de l'environnement.
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