AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Apoapo


"Pour que les pauvres, vous, moi, ayons dû courir de toute urgence au secours des riches, par l'intermédiaire de l'État, il aura fallu que les riches deviennent si colossalement riches qu'ils paraissent alors à tout le monde aussi nécessaires à notre survie que le Monde." (p. 6)

Crise, étymologiquement, s'apparente à fracture : une fracture tectonique irréversible dont n'apparaît pas encore l'ampleur de la faille.
Six événements récents, survenus depuis la Seconde guerre mondiale et en accélération depuis la décennie 1960-70, contribuent à la caractériser : 1) l'inversion de la proportion de la population s'adonnant à l'agriculture par rapport au total, entraînant l'urbanisation correspondante (sans précédent) et une modification de la perception du territoire et de la nature ; 2) la mobilité des personnes et des biens [sans parler des capitaux] ; 3) la modification des conditions sanitaires tendant à l'asymptote de l'éviction de la douleur (naguère condition habituelle et normale du corps) et à la détermination du moment de la naissance et presque de celui de la mort ; 4) la recomposition du paysage humain par la démographie ; 5) le remplacement du collectif par le connectif par les nouvelles technologies ; 6) le paradoxe de l'hyperpuissance militaire qui rend obsolète le concept de force guerrière (cf. USA vs Afghanistan).
La profondeur de ces modifications met en porte-à-faux les piliers de l'organisation socio-politique pluri-millénaire (indo-européenne) figurée par le symbole des dieux Jupiter (pouvoir des prêtres), Mars (pouvoir des guerriers), Quirinus (pouvoir des ploutocrates). D'un point de vue philosophique, par l'introduction de la finitude du Monde face à "l'hominescent infini", la crise périme la vision cartésienne de la nature au service de l'Homme, voire même la distinction plus ancienne entre sujet et objet, en instituant la Biogée, sur-ensemble où vivent en symbiose les humains et le Monde, capable à leur instar d'émettre, recevoir, stocker et traiter de l'information, comme sujet d'un "jeu à trois", et comme titulaire de droits.
Dès lors, les suggestions de l'auteur pour établir un nouvel ordre, un "Contrat naturel", portent sur la prise de parole de la Biogée au sein d'une instance mondiale (pas une institution inter-nationale, donc), qu'il appelle WAFEL (eau, air, feu, terre, vivants, en anglais), sorte de "parlement de la Biogée" où s'exprimeraient des savants et non des politiques. Il se défend de vouloir ainsi instaurer une nouvelle aristocratie de la manière suivante :
"Je ne demande pas qu'ils prennent le pouvoir, hélas tombé dangereusement en une telle déshérence que n'importe qui pourrait aujourd'hui le ramasser, mais qu'ils prennent la parole au nom des choses [...]" (pp. 58-59).
Pourtant, il exige de ces savants deux serments qui dans le fond n'en font qu'un : celui du partage des connaissances sans pouvoir en tirer aucun profit, sans que leurs applications ne puissent causer la violence, la destruction, la mort, la croissance de la misère, de l'ignorance, l'asservissement ou l'inégalité ; et qu'ils soient laïques, jurant de ne servir aucun intérêt militaire ni économique.

La faiblesse, absolue et relative, de ces suggestions par rapport au diagnostic a fortement mitigé mon appréciation de l'ouvrage. J'estime personnellement qu'elle tire son origine justement d'une erreur de jugement du pouvoir.
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}