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Critique de H0rage


Le genre : Toutes à poils

de Stéphane Servant, j'avais déjà lu le déroutant Sirius, que j'avais beaucoup aimé. Je ne savais pas tellement à quoi m'attendre avec Félines, histoire où des adolescentes se transforment en ... félines, comme l'indique justement le titre. Pourquoi pas ...
Les premières lignes du livre ont suffi pour éveiller tous mes sens en alerte type “attention, petite pépite”. Je termine en ayant reçu une très grosse claque. Tout commence par une mise en abyme : un faux écrivain remercie un faux éditeur d'avoir le courage de publier ce livre, politiquement incorrect, qui est le témoignage de Louise. Une pacte d'authenticité donc. Louise, une adolescente qui s'est transformée en Félines à la suite d'une mutation d'un de ses chromosomes, comme beaucoup de jeunes filles de son âge. Louise, dont le corps s'est couvert de poils. Louise, dont le corps, considéré comme anormal, dérange, et qui se retrouve traquée par ses concitoyens. Louise, qui va résister.
Au-delà de la simple narration, menée avec brio sans temps mort, ce livre porte en lui-même une telle quantité de thèmes forts qu'on ne peut qu'être qu'aspiré dans ce tourbillon. Toute l'authenticité revendiquée est là, dans ces thèmes développés. Si l'auteur se concentre sur la narration, il aborde avec une immense subtilité de nombreuses problématiques, si nombreuses que chaque lecteur peut un peu s'y projeter de façon différente, ce qui fait toute la réussite du roman.
Réflexion sur la place des filles et des femmes dans notre société, le diktat des corps lisses et glabres, épilés à la perfection. A cela les Félines opposent le fait d'assumer leurs poils, de se mettre à poils, dans toute la beauté de leur nature. Si Louise, notre héroïne, accepte si facilement son nouvel état, c'est que son corps, déjà abîmé par de nombreuses cicatrices suite à un accident de voiture, ne rentre plus dans les cases de la beauté imposée. Et pourtant, de son propre aveu, elle aussi a été cette jeune fille pour qui l'apparence comptait plus que tout, acceptant volontiers de jouer le jeu de la femme sexualisée (ce qui n'est pas sans conséquence).
Réflexion sur la différence. La société va traquer, enfermer, voire tenter de rééduquer et guérir ce qui est différent, ce qu'elle ne connaît pas, ces jeunes filles réduites au silence car considérées comme dangereuses. Elles mordent, elle griffent, leur sens sont davantage aiguisés. Elles ne se laissent plus faire.
le livre fait également la part belle à de très joli personnages secondaires : le petit frère de Louise, qui ne voit aucun problème dans la transformation de sa soeur, pas encore formaté. Tom, l'ami de Louise, garçon impossible à enfermer dans une case précise..
Message de résistance également, car les Félines ne vont évidemment pas se laisser faire. Par ailleurs, le roman n'est pas manichéen, et les Félines comptent dans leurs rangs de nombreux hommes (tout comme les opposants aux Félines comptent des femmes). Chacun résiste à sa manière, par rapport à son vécu : manifestations, gestes extrêmes, certaines se cachent simplement. Tout sonne juste.
Quant à l'écriture, c'est la cerise sur le gâteau, fluide, précise, cherchant le mot juste : “T'aimes les Félines ? T'es Bi ?”
Félines, c'est le livre que j'aurais aimé lire quand j'avais 15 ans. A mettre en toutes les mains, filles et garçons, adolescents ou adultes parce que comme le dit Louise : “C'est à ça que servent les livres. À ouvrir les yeux des hommes, et, avec un peu de chance, leur coeur.”
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