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Critique de MattSala


Christophe Siébert n'en est pas à son coup d'essai. Explorant depuis de nombreuses années les recoins les moins reluisants de l'expérience humaine dans ses romans et nouvelles publiés sur ses blogs, dans des fanzines qu'il a parfois lui-même édité, ou des maisons d'édition confidentielles, il a construit une oeuvre dans laquelle on n'entre qu'à ses risques et périls. Noirs, gores, pornographiques, déjantés, on ne respire pas beaucoup dans ses textes, l'âme s'y trouve souvent coincée au milieu d'un paquet de viscères, immergée dans un magma épais et sombre.

Passé, comme il l'écrit lui-même, du statut de clochard de la littérature à celui de prolétaire et enfin de smicard de la littérature, il publie au Diable Vauvert Mertvecgorod, Images de la fin du monde.

Bienvenue à Mertvecgorod, donc. Mégalopole-état soviétique imaginaire et personnage principal du livre. le lecteur est plongé dans un univers sombre, battu par un vent glacial, un air vicié par une pollution effroyable, une ville où règne pauvreté, violence et corruption, constamment survolée de drones chargés par des entreprises privées de surveiller la population.
Conçu comme une porte d'entrée dans un projet littéraire ambitieux, construit autour de ce lieu qui représente bien plus qu'une toile de fond, ce recueil de courts textes met en scène une galerie de personnages variés – journalistes, adolescents désabusés, oligarques aux moeurs peu réjouissants, chef légendaire d'un mouvement de contestation politique s'apparentant à une véritable secte païenne autant qu'à un groupe terroriste – comme autant de rouages d'un monde en perdition. Mertvecgorod apparaît comme une divinité maléfique, enchaînant les personnages à leur destin tragique.

Le projet de Christophe Siébert dépasse largement le cadre de ce livre, qui constitue le premier tome d'un vaste cycle littéraire. L'univers de Mertvecgorod fait l'objet d'un site web, d'une page Wikipedia, d'une chaîne Youtube et d'autres textes publiées ici ou là. On décèle l'influence de différents registres littéraires, SF dystopique, roman noir, fantastique paranoïaque ou cyber-punk. Mais Christophe Siébert évite soigneusement le piège du pastiche ou de la redite. L'ouverture du livre, magistrale, brosse un portrait par petites touches de Mertvecgorod, servie par un style sobre, doté d'une grande puissance évocatrice et favorisant l'immersion totale du lecteur. Les nouvelles de ce recueil ne sont pas totalement indépendantes, elles forment plutôt un canevas, un ensemble de personnages et de situations connectées par des liens, à commencer évidemment par la ville elle-même, parfois très directs, parfois plus ténus, mais formant un tout cohérent.

Si elle est moins étouffante que dans certains de ses précédents méfaits, la noirceur est ici toujours présente. Peu importe l'énergie déployée par certains des personnages pour y échapper, l'espoir est rarement de mise à Mertvecgorod. Reste à suivre les trajectoires erratiques de ces personnages, naïfs ou désabusés, ceux dont l'énergie noire et maléfique nourrit la ville et ceux écrasés par elle, condamnés dés le départ.

Les Chroniques de la fin du monde constituent une entrée en matière très réussie dans un monde imaginaire qui fascine par son ampleur. L'auteur se donne les moyens de son ambition et le lecteur, après avoir refermé ce livre, attendra avec impatience son prochain billet pour Mertvecgorod.
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