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Critique de berni_29


Je voudrais vous parler ce soir de cette Lettre à la femme aimée au sujet de la mort, écrite par un merveilleux poète, Jean-Pierre Siméon, très rare, trop rare, un poète à découvrir.
J'ai trouvé que tous les poèmes de ce recueil étaient beaux. Les vers de ce texte m'ont entraîné dans une délicieuse ivresse jusqu'au bord de chaque page.
L'écriture de ce poète ressemble à un jardin. J'y suis entré comme on se saisit d'une clé magique, comme on entre dans ce jardin en ouvrant une page qui ressemblerait à une porte.
J'y suis entré comme on entre dans une nuit légère, en effaçant la buée qui obstrue les vitres d'une fenêtre.
J'y suis entré comme on entre en amour.
Une main effleure les pages, je me suis demandé si c'était bien la mienne ? Ou bien la tienne ? Je ne sais pas, je ne me souviens plus de mes gestes devant ce texte si beau qui parle d'amour.
L'amour est absolu, on l'oublie trop souvent. L'amour nous amène parfois dans des contrées étranges que nous ne soupçonnions pas, nous amène aussi parfois à faire des choses incroyables, dans un sens comme dans l'autre, à faire n'importe quoi.
« Il n'y a pas d'amour heureux », disait Aragon. Ici l'amour ressemble à autre chose. Il n'est pas question de bonheur ni de malheur, il est juste question de respirations et de vertiges, de nos mains aussi posées sur ces mots, au bord de la lumière du jour, celle qui tremble encore un peu, comme nos gestes qui écoutent cette respiration.
« Tes mains sont le premier poème
celui qui défroisse et apaise
quand mon pas mal tenu
parvient jusqu'au matin
et vacille
sur le flou de l'univers. »
Ici il est des rivières qui fuient vers leur point obscur. Souvent une voix revient qui n'est pas la tienne. Celui qui marche dans les pages de ce poème, est-ce moi , est-ce un autre ? Celui que je rêverais d'être, peut-être suis-je dans ses pas ?
Pourquoi, lorsqu'il est question d'amour, pensons-nous forcément à la mort ? J'y ai souvent pensé. Forcément, j'y pense de plus en plus. Mon âge ne me retient pas d'aimer, au contraire... Je voudrais continuer d'aimer comme cela, en ayant l'étrange et sotte impression que cela recule au plus loin la mort. La poésie de Jean-Pierre Siméon m'a donné l'illusion que je suis immortel, le temps de quelques poèmes.
J'aime mes rêves, mais je ne me les rappelle peu souvent. J'aime l'aube où je tente désespérément de me souvenir de ces rêves. Ces poèmes m'ont invité à cette attention.
J'aime le pli de la nuit.
J'aime la pluie qui m'empêche de remonter aux voyages prêts à nous engloutir.
J'aime des lèvres qui se hâtent, comme cela dans le frémissement d'une pluie, de ce voyage en partance, le souvenir d'un paysage, une joie qui tend la main ; chaque page de ce recueil est une invitation à ce que nous voulons être...
Pourquoi sommes-nous faits de gestes qui résistent tant à la poésie ?
La poésie est une forme de vent prêt à déployer sa voile.
Ici l’œil s'encombre avec bonheur d'une fenêtre qui s'ouvre, où surgit l'horizon, toi avec, et je t'y invite.
Peut-être est-ce l'absence de l'autre qui relie davantage les cœurs hallucinés ?
Comment changer de monde à chaque instant si ce n'est dans la poésie, dans ces vers ?
Ici même le bonheur s'entend dans les sanglots. Comment ne pas y résister ?
J'ai aimé la lumière de ce poète. Elle est magnifique.
Avant d'écrire cette chronique, j'ai relu certains de ces poèmes, déjà lus il y a quelques années.
Après les avoir relus, je me sens au bord d'une fenêtre ouverte et je vous attends comme on attend des oiseaux dans l'impatience du ciel.
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