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Critique de Ileauxtresors


J'avais à coeur de me faire ma propre idée sur ce roman qui a fait couler tant d'encre (plus de mille critiques rien qu'ici !). J'ai enfin pris le temps et me voici estomaquée, traversée par des émotions intenses et des questionnements profondément dérangeants…

Leïla Slimani n'y va pas par quatre chemins pour planter le décor et pour mettre en place son intrigue. En trois pages terribles, le premier chapitre dévoile la fin de l'histoire. Une issue insoutenable, incompréhensible : une scène de crime, un bébé mort, une petite fille agonisante, le cri désespéré de leur mère, la meurtrière inconsciente, ses poignets sectionnés. La scène a tout du fait divers sordide qu'on découvre parfois dans la presse mais que l'on peine à concevoir. de ces histoires effroyables que l'on met à distance, convaincu qu'elles n'arrivent que dans des circonstances très lointaines de celles qu'on connaît. Qu'on ne parvient jamais vraiment à comprendre. Et pourtant, les chapitres suivants, en reprenant l'histoire du début, brossent une situation familière et presque banale : une mère de famille reprend un emploi après avoir eu son deuxième enfant, le couple emploie une nounou qui se révèle bientôt indispensable. Toute la tension narrative naît de notre perplexité face à ces deux bouts du récit, qui semblent irréconciliables. Leïla Slimani restitue, avec son style incisif, comment la relation entre la famille et la nounou déraille progressivement pour les précipiter vers le drame.

La lecture est addictive. le roman à la fois bouleversant et profondément perturbant. Il m'a beaucoup touchée à plusieurs égards. Avant tout, bien sûr, en tant que femme conciliant comme tant d'autres vie de famille et vie professionnelle : Leïla Slimani met le doigt où ça fait mal en disséquant le sentiment d'enfermement de Myriam, son sentiment de tiraillement entre son amour sincère pour ses deux enfants et ses ambitions professionnelles, l'indifférence de son mari vis-à-vis de ces dilemmes, puis ses difficultés (et celles de la nounou, d'ailleurs) à délimiter vie professionnelle et vie privée. le roman évoque aussi, avec une justesse féroce, les dérives de l'aspiration à la perfection, à la maternité idéale et les dégâts causés par les mythes propagés à coup de photos sur les réseaux sociaux… le poids écrasant des déterminismes sociaux qui, à la maison, au travail, à l'école de sa famille, enferment le personnage de la nounou est abordé de façon glaçante, ainsi que toutes les difficultés que posent la mise en place de relations entre employeurs et employés.

Une lecture sombre, donc, mais qui m'a beaucoup donné à réfléchir. À quelles conclusions suis-je parvenue ? Je reste avec beaucoup d'interrogations, mais il me semble que la prise de conscience des étaux et des idéaux dans lesquels les mères restent souvent enfermées aujourd'hui représente déjà un pas essentiel dans le chemin qui reste à parcourir. Voilà pourquoi ce roman qui nous percute de plein fouet me semble si important.
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