Les aventures de l'intrépide Stroïka dans Paris

Un roman dans lequel il n'y a pas de méchants, voilà qui change un peu. C'est même très reposant, une sorte de bulle de douceur le temps d'un rêve. Celui d'un Paris vu et vécu à hauteur d'animaux, une ville légèrement fantasmée dans laquelle les héros sont un cheval, une chienne, un corbeau, un couple de canards et une paire de rats. Peut-être que si nous regardions un peu autour de nous en traversant le Champ de Mars nous remarquerions les petits tas de crottin posés ici et là, ou peut-être pas. Quand avons-nous cessé de faire attention à notre environnement ? Seul Pierre, le jardinier en chef a relevé cette incongruité. Un cheval sur le Champ de Mars ? Cela fait bien un siècle que cela n'arrive plus. Pourtant, c'est bien ici que Stroïka a élu domicile. Stroïka est une jeune pouliche prometteuse qui vient de remporter sa première course d'obstacles. La porte de son box est restée ouverte, elle n'a pas résisté à sa curiosité, a traversé une rue, puis le Bois de Boulogne jusqu'à la place du Trocadéro. Là, une braque allemande dénommée Frida l'a tout de suite remarquée avec le sac à main qu'elle transportait dans sa gueule. Frida vit seule depuis que l'humain qu'elle accompagnait dans son errance est mort sur le bitume. Elle va servir de mentor à Stroïka qui ne connait pas grand-chose à la vie hors d'un box. Les voilà toutes les deux installées sur le Champ de Mars où la réserve d'herbe convient à la jument tout comme les larges allées propices à un petit trot, sous la surveillance de Raoul le sage et érudit corbeau, un poil prétentieux. Elles ne tardent pas à sympathiser avec Sid et Nancy, l'un des couples de colverts qui occupent la mare. Insatiable curieuse, Stroïka se dégourdit les pattes la nuit et fait ainsi la connaissance de quelques humains qui, chacun à sa manière vont prendre soin d'elle, jusqu'à la rencontre avec Etienne, jeune garçon de 8 ans qui vit seul avec son arrière-grand-mère dans un hôtel particulier tout proche. Commence alors une incroyable cohabitation dans ce lieu transformé en une sorte d'arche de Noé des temps modernes.

Cette histoire est aussi réjouissante qu'émouvante, sans aucune mièvrerie. le lecteur est transporté à hauteur d'animaux dont le point de vue sur l'espèce humaine est assez instructif. L'auteure se glisse de façon assez incroyable dans la peau des uns et des autres, qu'il s'agisse de deviser ou de trouver des solutions pour nourrir les 400 kilos de Stroïka. Les personnalités sont bien tranchées et cette joyeuse bande nous devient très vite familière. J'avoue un faible particulier pour Raoul et ses péroraisons de grand sage, et pour Conrad et Kurt les deux rats qui n'ont jamais quitté les murs de l'hôtel particulier d'Etienne par peur des campagnes d'exterminations menées par les chats du quartier. Rien de gratuit néanmoins. Il est question ici de communautés, d'altérité, d'audace, de curiosité, d'entraide, de découverte. de la famille que l'on se choisit. Et de liberté.

Je n'ai pas boudé mon plaisir. A l'approche de Noël ce roman me fait l'effet du plus joli des contes à offrir à tous les humains, charge à eux de le partager avec les bestioles qui les entourent, y compris celles qu'ils n'ont peut-être pas encore rencontrées. Ouvrez l'oeil, votre meilleur ami ne vous ressemble pas forcément.
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