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Critique de Pecosa


Ce prince que je fus est le récit de l'existence abracadabrantesque de Federico de Grau Moctezuma, descendant d'un noble espagnol et de la fille de l'empereur Aztèque, qui devint un mystificateur parasite mondain dans l'Espagne de Franco.
Jordi Soler prouve une nouvelle fois qu'il est un conteur extraordinaire et nous emporte sans ménagement de la réalité à la fiction, de Barcelone au Mexique, des dorures du Régime aux bidonvilles de Motzonrongo.
L'histoire commence au XVIème siècle à Toloriu, petit village catalan lorsque le baron Joan Grau, l'un des premiers conquistadors qui parvint à Tenochtitlán avec Hernán Cortés ramena dans son château sa jeune épouse Xipaguazin, fille de Moctezuma, avec sa cour et une partie du trésor de son père (que l'on dit enterré quelque part en ces terres catalanes).

Bien des siècles plus tard, un descendant de cette improbable union, Kiko Grau, jeune oisif de la bourgeoisie barcelonaise apprend la vérité sur son auguste lignage et décide d'abandonner les affaires moribondes de son père pour tenter sa chance dans le cercle très fermé de l'aristocratie et des Affaires. Plus doué pour la mystification que pour la gestion des conserveries familiales, il s'invente un blason, se pare du titre de « Su Alteza Imperial Principe », apprend le « mexicain » en regardant des films avec Pedro Infante, et décide de vendre des terres et des titres fictifs du "Soberana e Imperial Orden de la Corona Azteca » aux vaniteux.
Grau-Moctezuma, fêtard, menteur, ivre d'alcool et de vanité, héritier fantoche du grand empire aztèque, au look de Liberace avec lunettes XXL et capes de plumes, suivi de son fidèle serviteur Crispin, tape dans l'oeil du dictateur Franco, bien décidé à établir des relations cordiales avec le Mexique, qui est l'un des seuls pays au monde à ne jamais avoir reconnu son régime. En effet, qui de plus qualifié que cet héritier inespéré du grand Moctezuma et de la vieille noblesse espagnole pour porter la bonne parole au-delà des mers?

Dans les années 60, un dénommé Guillermo Grau Rifé s'autoproclama Príncipe Guillermo III de Grau-Moctezuma, descendant légitime du Baron de Toloriu i de Moctezuma II, issu de la fille de ce dernier, María, installée en Espagne au XVIème siècle avec deux de ses frères, et qui épousa Juan Grau, Baron de Toloriu, ville de la province de Lérida. Et "vivió del cuento", comme on dit.
Quelle est la part de vérité dans ce récit, , quelle est la part de l'imagination folle de l'auteur? On s'en fiche. C'est L'Homme qui voulut être roi de Kipling, à la sauce catalane, avec en toile de fond, un enjeu diplomatique. Et si tout est faux, je préfère ne pas le savoir... la fiction me convient tout à fait.

Ce prince que je fus qui n'est ni une biographie, ni un pamphlet, se lit avec un grand plaisir, pour l'aventure, pour la destinée d'une princesse devenue folle dans les Pyrénées, pour un trésor caché, pour un escroc sympathique dont on se demande sans cesse comment il pourra se sortir de ses mensonges et de ses excès.
Ce récit foisonnant, pétri d'humour et de cruelle ironie, fait du Prince d'opérette et de son valet des Don Quichotte et Sancho Panza de salon. Le roman picaresque à souhait, mâtiné de cet humour caustique dont les écrivains hispanophones ont le secret, ne nous épargne rien des moeurs de l'époque ni des relations versatiles et passionnantes entre l'Espagne et le Mexique, sur lesquelles on pourrait écrire une encyclopédie en 10 volumes. Jordi Soler, toujours aussi imaginatif et truculent dresse le portrait sidérant d'un homme qui, s'il se rêva Empereur, fut , au moins pendant quelques années, un Prince exotique aux yeux des crédules.
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