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Critique de IsaPernot


Pour ouvrir cette chronique, permettez-moi de reprendre les mots du Times : il s'agit bel et bien d'une "ode à un monde disparu, profondément touchante et délicieusement romantique." L'auteure évoque d'abord le Vienne de l'entre-deux guerre. Vue à travers les yeux naïfs d'une jeune fille à l'enfance protégée, la ville est enchanteresse. Tout n'est que délicieux goûters à l'hôtel Sacher et soirées prestigieuses à l'Opéra. Il fait bon vivre dans le grand appartement bourgeois de la Dorotheegasse, entre Anna et Julian, les parents artistes, Margot, la soeur musicienne, et Hildegard, l'affectueuse gouvernante. Certes Elise n'a ni le talent ni le physique de rêve de sa mère et de sa soeur, et cela lui pèse, mais c'est la seule ombre au tableau d'une existence par ailleurs idyllique. Mais nous sommes en 1938, Hitler a annexé l'Autriche et les humiliations pleuvent sur les Juifs. Derrière les notes de musique, les bulles de champagne, les bijoux et les belles robes, l'inquiétude ronge la famille et les amis d'Elise. Il faut partir car à Vienne le danger les guette. Les visas pour l'Amérique seront faciles à obtenir pour les artistes de la famille, mais que faire d'Elise qui n'a aucun don particulier ? Une seule solution, lui obtenir un visa d'employée de maison pour aller travailler en Angleterre.

J'ignorais totalement l'existence de ces femmes qui ont pu échapper aux griffes des Nazis en renonçant à leur condition première. Imaginez comme le choc fut rude lorsqu'elles passèrent des dorures de leur propre salon aux chambres de bonne sous les toits (non chauffées en hiver, sinon ça n'est pas drôle). Travailler plus de douze heures par jour lorsqu'on a l'habitude de se faire servir, tout en se rongeant les sangs pour la famille qu'on a laissée derrière soi, il y a de quoi sombrer dans la dépression. Heureusement, Elise possède de sacrées facultés d'adaptation et un caractère bien trempé, si bien qu'elle se fait une place à Tyneford sans toutefois renier complètement qui elle était. Elle qui n'avait jamais vu la mer tombe amoureuse de ce coin de campagne anglaise, sauvage et préservé. Nous aussi, tant les descriptions, jamais ennuyeuses et toujours bien amenées, font véritablement sortir Worbarrow Bay de la page. Je vous conseille d'ailleurs, tant pour les détails géographiques qu'historiques, de lire la note de l'auteure à la fin de l'ouvrage. Natasha Solomons fait la part entre la vérité et la fiction et c'est vraiment très intéressant, après avoir vibré d'émotion avec Elise, de se dire que des gens ont vraiment vécu le même déchirement, le même déracinement. (Et je ne parle pas que des réfugiées viennoises, mais je ne peux pas vous en dire plus pour ne pas spoiler le livre.)

Si vous aimez la petite histoire au sein de la grande, ce livre est fait pour vous. Si vous aimez les récits poignants et romantiques aussi. Je l'ai refermé avec une certaine mélancolie, convaincue que Tyneford et Elise resteront longtemps dans ma mémoire. C'est ce qui fait l'étoffe des grands livres.
Lien : http://www.aufildisa.com/201..
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