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Critique de Virginieriaute


J'ai découvert les auteurs auto-édités il y a moins d'une année. Je peux affirmer que c'est comme si j'avais redécouvert la lecture et le plaisir de lire. Peu de temps après, au hasard des réseaux sociaux, j'ai croisé les « maculatures » de Frédéric Soulier. Ses remarques et commentaires sans filtres, souvent provocateurs, teintés d'un humour parfois acerbe, mais souvent justes et pleins de bon sens, ont aiguisé ma curiosité. J'ai rapidement plongé avec candeur et addiction dans ses nouvelles avec l'envie de découvrir ce qu'il avait dans le ventre et dans la tête.
A chaque lecture, mon enthousiasme s'est renouvelé. Il réside sans doute dans l'ingénieuse capacité d'adaptation de l'auteur selon les genres et univers abordés. le vocabulaire varie en effet, dans un pidgin Soulierien selon le programme proposé. Dans une syntaxe toujours parfaite, les élocutions sont crues, voire trash, brutes de fonderie, sans détour lorsqu'il nous plonge dans un décor de thriller pop-culture ( le trou de ver dans la maison du crack ou ici, dans Urbex ), la lexie est alors aussi sombre que les personnages sont torturés et l'environnement pesant. Dans la romance SF ( Quitter Eskern ), il est tout en pudeur et délicatesse, comme Gaël son personnage chevaleresque, jeune amant, pétri d'amour et de bonnes intentions. Je ne l'avais d'ailleurs pas revu dans ce registre depuis Tout est dépeuplé et j'avoue que c'est très agréable également. le vocabulaire est toujours riche, précis, sans caricature ni fanfaronnade, sans hâblerie ni excès – ou alors seulement pour servir le personnage qui l'impose ( Screetch dans le cri sauvage de l'âme ).
Dans ce deuxième volet de nouvelles, on trouvera une dimension liturgique, soit dans le thème dans sa globalité, soit autour des personnages ( Rachel notre Mère à tous ; Annaig, grand-mère de Jésus et Patronne de la Bretagne et des femmes en couches ). La morale judéo-chrétienne est souvent mise à mal ou détournée, et tant pis pour la bienséance, les grenouilles de bénitier, les soutanes et autres bigots. Je salue par ailleurs le talent de Frédéric Soulier quant aux choix des titres et des couvertures qui sont très évocatrices une fois la lecture terminée (un coup de c?ur tout particulier pour Quitter Eskern et sa boule de verre ).
Dans chaque nouvelle, les personnages sont si justement décrits, si réels, si humains dans leurs failles, qu'il n'est pas même utile de ressentir de l'empathie pour s'attacher à eux. J'ai aimé Rachel pour ses faiblesses, Annaïg pour sa distance et son intuition, j'ai haï Nadine pour son amour oppressant et je me suis même attachée au Grammar Nazi, ce brillant Pygmalion. Les protagonistes ne sont ni vraiment bons, ni complètement mauvais. Torturés et complexes sans aucun doute, juste dramatiquement humains. Et s'il est une force dans la plume de l'auteur, c'est cette capacité à ressentir puis à retranscrire toutes ces faiblesses de la nature des gens. Il observe, scrute, dissèque et presse l'âme humaine pour en sortir son jus : une purée visqueuse, poisseuse, souvent très sombre dont nous, lecteurs, nous alimentons avec délectation. Je crois qu'il n'y a que les écorchés vifs qui savent si bien renifler le cul de leurs semblables. Qualifier Frédéric Soulier d'écorché vif serait un brin prétentieux, je n'ai pas de diplôme en psychanalyse, et je ne voudrais pas tomber dans la facilité, parce que, évidemment, il est bien plus complexe que cela.
Il me semble que derrière cette barbe dense et ce regard sombre de Droopy se cache un personnage tout en perception, intuition et d'une grande sensibilité. Parce qu'il en faut pour installer une atmosphère si rapidement, en respectant les codes. Il en faut de la sagacité pour se permettre de nous manipuler, nous malmener, nous ébranler, nous remettre en question à chaque lecture et encore ouvrir le débat en se diversifiant à chaque fois.
Frédéric Soulier a cette écriture viscérale qui me plaît tant parce qu'elle me percute, parce qu'elle contient cette sorte de colère, cette violence sous-jacente qui me parle et m'interroge, me secoue et me surprend avec son lot de questions et de remises en question. Je me triture systématiquement les méninges pour tenter de découvrir où il tente de m'amener et me soumets volontiers en lectrice asservie à ses réflexions.
Il me tarde de découvrir jusqu'où il pourra m'emmener. Il s'est engagé en 2018 à nous écrire la nouvelle la plus atroce, la plus immonde, la plus dénuée de bons sentiments qu'il n'a jamais écrites ( sic ). le curseur de la morale et les règles de la bienséance sont des variantes très subjectives qui dépendent de notre vécu et de notre expérience, de notre éducation et de nos propres valeurs qui constituent nos fondations. Je serais très curieuse de le voir démolir les miennes à coups de strikes.
En attendant, plongez-vous dans ce recueil aux sonorités bibliques ; vous n'y trouverez pas d'effluves d'Oliban ou de charbons ardents, mais une odeur de vin frelaté et de pain sans levain rassis.
Six nouvelles à lire, parce que le 7ème jour, Il s'est reposé.
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