AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ConstanceFarrugia


Un fils sans mémoire décrit en détail la relation entre deux hommes qu'unissent des liens de paternité complexes. Alors que le fils s'apprête à devenir père, il affronte ce qu'il a toujours fui. le silence. La présence absente. L'absente présence. le père est une star de la médecine. Il anime une émission de radio dans les années 90. Il est présent partout. le doc conseille, le doc écoute. le doc parle beaucoup. À tous. Sauf à lui. Fils d'abord non reconnu. Fils auquel il s'impose par la suite. La toute-puissance paternelle qui exprime une vérité : les cordonniers sont les plus mal chaussés. Parce qu'à la lecture de ce récit romancé, on peut facilement vérifier l'adage.

Face à ce père, le fils peine à trouver les mots qui se bloquent et laissent place à de longs silences. Une chose m'a frappée : alors qu'il est totalement absent de l'intimité de son fils, le père est présent partout. Dans les émissions qu'il écoute, sur les plateaux des programmes télévisés qu'il regarde. Et tout à coup, surgit cette vérité qui dépasse la situation biographique décrite. À l'âge où l'on se cherche, où l'on cherche une identité, entre l'enfance et l'âge adulte, la figure de nos parents, quoiqu'omniprésente semble souvent nous échapper. Et c'est à ce moment précis que Valentin Spitz réussit son pari. Peu importe la relation personnelle qu'il entretient avec son père, s'il aime manger des crevettes, jouer à la pétanque, peu importe s'il est vraiment allé dans ce mas provençal, emprunté les grands boulevards, peu importe ses activités, peu importe la réalité vécue, le récit prend une dimension cathartique qui dit une vérité. Celle d'un père qui parle mais n'écoute pas, et celle d'un fils qui passe son temps à écouter sans pouvoir parler.

Clé de voute du récit, la chasse au nom. Valentin doit se marier. Il veut changer de nom et adopter celui de son père. Véritable fil d'Ariane, la quête du nom permet l'ouverture du dialogue. Et la réhabilitation de la parole. À travers la verbalisation du patronyme, c'est toute la question de la filiation qui est en jeu. Une question épineuse et complexe qui anime la littérature depuis l'antiquité, peut-être parce qu'elle révèle une aporie encore plus profonde, celle de l'identité. de ce point de vue, j'ai trouvé la forme du récit au service du fond.

Un fils sans mémoire est un récit fragmentaire. Valentin Spitz navigue entre les événements, les époques et maintient un rythme, un souffle. C'est une forme très étonnante, parce qu'elle permet au lecteur, à la lectrice de se laisser imprégner, de se reposer, tout en avançant. de ces petits fragments, l'auteur construit petit à petit l'image d'ensemble, sans jamais nous perdre.

Rien ici n'est linéaire, tout comme le sont nos souvenirs qui s'éparpillent. Tout comme le sont aussi les relations qui s'émiettent et se brisent. Résultat, Valentin nous offre une composition haletante qui nous maintient éveillé, comme la confidence que nous ferait un ami, un soir, autour d'une bière. Et c'est peut-être là toute la magie du « je ». Parvenir à dire sa vérité dans une introspection romanesque parce qu'universelle.

En résumé, un récit salvateur qui saura séduire par sa sincérité, sa pudeur et son honnêteté.
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}