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Critique de Patsales


Après avoir suivi un mooc sympa de l'université d'Artois sur la SF, je me suis bêtement dit que je pouvais passer aux travaux pratiques.
Première erreur.
Deuxième erreur : j'ai choisi imprudemment [anatèm], roman très bien noté sur Babelio, présenté comme une sorte de « Nom de la rose » intergalactique dont seules les premières pages étaient susceptibles de rebuter un lecteur novice.
Ben quoi? me suis-je susurré. D'abord je ne suis pas novice et de surcroît même si je lis très peu de SF je me suis quand même fait une bonne partie du cycle de « Dune » à l'adolescence. Alors? Qu'est-ce qui pourrait bien m'empêcher de lire [anatèm], je vous le demande?
Rien. J'ai tout lu. Mais j'ai pas compru grand chose.
Le bandeau de couverture annonce que le roman a été n°1 des ventes selon le New York Times. Alors de deux choses lune (comme on dit dans les romans de SF): soit le niveau général de la population anglophone a sacrément augmenté pendant qu'on avait le dos tourné, soit Neal Stephenson passe super bien à la télé et son livre sert surtout de marqueur CSP+ sur la table du salon.
J'ai fait des études littéraires. Alors, pour moi, les premières pages si décriées d' [anatèm], elles roulent toutes seules. Une fois qu'on a compris que les fraa sont des frères et les suvines des écoles, ce qui se fait assez vite, le déchiffrement ne pose aucun problème. Ces inventions langagières sont d'ailleurs plutôt bien faites et prennent en compte l'évolution des mots ; de même que le mot bureau vient de la bure qui recouvrait le meuble, « calca » en taerran signifie « exposé » à partir de la craie qui sert aux démonstrations.
Si les lecteurs habituels de hard S.F. ont eu des difficultés à se familiariser avec ce nouveau vocabulaire, moi c'est bien entendu tout le reste ou presque qui m'a posé problème. Et notamment le monstrueux tunnel par lequel commence le tome 2 et qui narre par le menu une conférence essentielle sur la compréhension de nouveaux phénomènes cosmiques.
Allez, juste un exemple au hasard, on n'a pas tous les jours l'occasion de rigoler:
« Je rapportai à Paphlagon que, selon Orolo, l'esprit équivalait à la construction prompte et fluide de représentations mentales de mondes contrefactuels, et que cette hypothèse n'était pas simplement possible, ni simplement plausible, mais facile – si l'on envisageait l'esprit comme embrassant un ensemble de versions légèrement différentes du cerveau, chacune gardant trace d'un cosmos légèrement différent.
Paphlagon conclut en formulant la chose beaucoup mieux : « Si l'espace de Hemn est le cadre et qu'un cosmos est un point unique du paysage, alors un esprit donné est un trait de lumière en mouvement dans ce paysage, tel le faisceau d'une lampe torche qui éclaire une série de points – de cosmi – proches les uns des autres, cerné par une pénombre qui vire rapidement à l'obscurité sur les bords. Au coeur le plus rayonnant du faisceau, une diaphonie se crée entre de nombreuses variantes du cerveau. Les interférences sont beaucoup moins nombreuses dans la périphérie à demi éclairée et inexistantes dans les ténèbres au-delà.  »
Voilà voilà voilà.
D'une certaine façon, [anatèm] ressemble aux livres de Pierre Bayard, cet universitaire qui s'amuse avec les enquêtes d'Hercule Poirot pour les démonter et trouver un coupable alternatif. Ici, c'est pareil. Sauf que Stephenson ne corrige pas Agatha Christie, lui, mais carrément Platon, en reprenant la querelle des universaux à la lumière de l'astrophysique (Que l'on se rassure, je ne comprends absolument rien à ce que je viens d'écrire).
Sur un plan purement romanesque, je reste sceptique quant à la construction de ce grand oeuvre, découpé en 1) les données du problème 2) les hypothèses 3) la résolution. Mais là encore, j'ai cru comprendre que les lecteurs naturels de ce livre (ceux pour qui il a été écrit) sont eux admiratifs de ce schéma.
Donc je m'incline et nous nous retirons, mon incompétence et moi, admiratives et humiliées.

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