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Critique de Lenocherdeslivres


Le réchauffement climatique continue son petit bonhomme de chemin : il fait de plus en plus chaud et les océans montent. Les villes s'adaptent comme elles peuvent, avec leurs couverts de végétation. Mais on persiste à rouler avec de l'essence, à utiliser de la climatisation qui augmente la température de l'atmosphère. Et donc, il fait chaud. Et on ne s'attaque pas réellement aux bases de ce changement aux conséquence si négatives. C'est là qu'intervient T.R., un milliardaire texan qui pense avoir la solution.

Le démarrage du roman m'a laissé sur les fesses. Ça part sur des chapeaux de roue, dans une direction que je n'imaginais pas (je n'avais pas lu la quatrième de couverture et n'avais donc aucune idée des protagonistes). Donc, commencer avec la reine des Pays-Bas avait de quoi me surprendre. Et l'irruption de cochons sauvages aussi. Et le jeune Laks dont je ne comprends pas encore le rôle et dont les tribulations dans l'Himalaya, avec ses frontières mobiles, m'ont rappelé les paysages quasi-inhumains de Roca Pelada. Je n'en dis pas plus pour ne pas déflorer les premiers chapitres et la rencontre inattendue de certains personnages. Je me contenterai de dire combien ce départ m'a plu et a su me lancer dans une histoire au long cours (ce qui fait toujours un peu peur), car ce roman va quand même dépasser les 800 pages en version française (plus de 700 pages en V.O.) entre les deux tomes prévus. J'en profite pour signaler que si, sur un plan financier, cela va coûter cher, effectivement (mais on a déjà maintes fois débattu de ce point), de lire ce roman en entier, sur un plan pratique, sa division en deux tomes est agréable : j'ai de plus en plus de mal avec les pavés terriblement lourds qui m'épuisent les poignets et les mains. Là, la lecture est aisée. Et, je ne sais s'il faut en féliciter l'auteur ou l'éditeur français, mais la division entre les deux tomes est excellente : comme la célèbre scène 3 de l'acte III dans le théâtre classique français, le dernier chapitre du tome 1 semble idéal. Il aborde la notion sous-tendue par le titre : le choc terminal. Est-il possible d'interrompre une expérience dont on craint les effets néfastes sans produire des effets plus néfastes encore ? Abyssal. Et angoissant.

Le moins que l'on puisse dire est que Neal Stephenson semble maîtriser parfaitement son sujet (Je dis « semble » car, de mon côté, je ne maîtrise pas la géographie du Texas ni l'histoire des Pays-bas, par exemple et que je ne vais pas aller vérifier les informations contenues dans ce roman : je fais confiance à l'auteur pour ne pas me prendre pour une bille. Fin de la longue parenthèse.). Quand il place son lecteur dans un lieu, il en connaît les spécificités et les lui indique, avec précision. Grâce à ses descriptions, on peut aisément se représenter les paysages alentour, s'immerger totalement dans le décor et l'ambiance. Si j'insiste sur ce fait, c'est que je suis sensible aux descriptions : trop courtes, voire absentes, je me sens perdu ; trop longues, je me sens également perdu. D'où mon intérêt pour ce bon équilibre (la plupart du temps, un ou deux passages m'ont semblé un peu trop détaillés).

Cette maîtrise de l'auteur, on la retrouve dans le sujet principal de l'histoire : la technologie développée par T.R. Il nous la rend compréhensible et accessible, même si, bien sûr, je serais incapable de la reproduire. Par ses images et la précision des éléments fournis, il est aisé de voir à quoi ressemble la grosse machine. Il est aisé d'imaginer son fonctionnement. Il est aisé de comprendre ses effets possibles. Car, à la différence de la propulsion supra-luminique ou de la force d'autres récits de SF, cette technologie est au centre du récit et Neal Stephenson veut en montrer le réalisme. Elle n'est pas qu'un moyen de faire avancer l'histoire, elle est l'histoire. Et elle doit sembler réalisable demain ou dans quelques années. Cette prégnance des détails dans la description du monde, si semblable à celui qui nous entoure, nous rend encore plus réel ce récit. On peut y croire. On peut le vivre. D'où l'intérêt. D'où l'inquiétude.

Car ce plan de géo-ingénierie, ou intervention climatique, est une manipulation de la Terre et de son climat. Pas moins. Certains, pas seulement des illuminés, mais aussi des savants (dont un prix Nobel), ont proposé cette idée d'injecter du soufre dans l'atmosphère pour créer comme de petits miroirs, qui pourraient ainsi refléter le soleil et diminuer ses rayonnements sur notre planète. Et diminuer par conséquent la température à la surface. Mais, et l'auteur nous le signale bien, nous ne sommes absolument pas sûrs de ce qu'il pourrait se passer réellement. Les modèles peuvent évoluer. En partie selon l'endroit d'où le soufre est envoyé dans le ciel. Il y aurait, une fois encore, des gagnants et des perdants. D'autant que, entre autres, la mousson serait mise en danger. Or elle est un élément capital en Inde, par exemple. Sans parler de la Chine, dont on sent poindre l'influence à travers l'allusion au sort des Ouïghours et à l'irruption aux États-Unis d'un personnage tout puissant et inquiétant. Enfin, autre conséquence que Neal Stephenson aborde peu, le soufre finirait par détruire la couche d'ozone. Avec son afflux d'ultra-violets, pas vraiment agréables pour notre organisme.

C'est tout l'intérêt de ce roman : une fois encore on est dans le « Et si ». Et si une personne, sans consensus mondial, tentait quelque chose, lassé de l'inaction habituelle. Si quelqu'un, pour sauver le monde que nous connaissons, avec son confort et ses habitudes de vie, était prêt à risquer d'augmenter les problèmes, de les accentuer, voire de créer une catastrophe. Car T.R. (à chaque fois que j'écris ce prénom, je pense au J.R. de la série Dallas, encore un Texan qui pensait avant tout à ses intérêts) vit dans un société où la voiture est reine. Où le pétrole et ses dérivés sont toujours rois. Où, pour affronter la chaleur, on porte des combinaisons thermorégulatrices qui expulsent l'air chaud dans l'atmosphère au-dessus de soi, contribuant ainsi à réchauffer cette atmosphère déjà irrespirable. Jusqu'où est-on prêt à aller pour préserver sa façon de vivre ? L'égoïsme est-il la seule solution ?

Le titre de Choc terminal n'est pas un mensonge : sa lecture est un choc. Elle oblige à réfléchir à cette épée de Damoclès qui nous menace de plus en plus. Elle oblige à se positionner dans cette lutte d'influence entre des camps diamétralement opposés. Elle incite à regarder autour de soi avec d'avantage d'acuité. J'attends avec une véritable impatience la fin de cette histoire dans le tome 2 dont la parution est prévue le 29 mars.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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