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Critique de Charybde2


Un magnifique premier recueil de nouvelles, aux rares maturité de style et densité de propos.

Ce premier recueil de nouvelles de Ketty Steward, publié en 2011, m'a d'emblée frappé par sa force et sa sincérité.

Les premiers textes d'un(e) auteur(e) en SF, genre exigeant et à la longue mémoire s'il en est, sont toujours un passage délicat : textes souvent soigneusement mûris, mais dont les influences risquent d'être souvent trop perceptibles. Ketty Steward a su contourner cet écueil potentiel par deux habiletés : l'une, technique, consistant à indiquer en quelques notes italiques, au début de chaque nouvelle, le contexte de sa création, ses influences éventuelles, ainsi que les insatisfactions ou relatifs manques d'originalité qui tourmentèrent l'auteure elle-même au moment de l'écriture ; l'autre, davantage émotionnelle, reposant sur l'utilisation d'une écriture magnifique de densité, de profondeur, de poids assumé des mots, assez peu fréquente dans le genre, et en tout cas quasiment jamais dans un premier ouvrage...

Ainsi, que les thèmes des nouvelles soient des "classiques" du genre (clonage et gérontologie dans "Et Rose, elle a vécu" ou "Corps usagé, peu servi", voyage temporel dans "Mine de rien", ubiquité du réseau et de l'ordinateur dans "Arachnet", "Sasser est triste hélas", "Déboires de mémoire" ou encore "Ce qui compte", société neutre au plan du genre dans "La maladie du ver à soie", civilisation des loisirs dystopique dans "L'ère des nourriciers"), de brillants exercices de style (l'hommage à Bradbury des "Champs de Mars", la parabole d'écologie politique de "Gardien", ou encore le clin d'oeil proto-communiste de "Rudolph de Clavène") ou des tentatives plus personnelles (dématérialisation du lycée dans "Puces savantes", identité et poids de ce qui y est attaché dans "Le souffle", rôle social des sensations et de la douleur dans "Dolorem Ipsum" - peut-être le plus dur et le plus beau texte du recueil), je n'ai pu échapper que rarement à une forme d'envoûtement stylistique dans lequel humour comme souffrance acquièrent une véritable solidité, et où une réflexion sereine semble se faufiler dans les affres décrits.

Un beau recueil, même parsemé de quelques inégalités.

"Les locaux du CRANE sont si bien chauffés que Greg quitte ses gants, sa veste et transpire encore. Une femme brune au teint hâlé l'accueille en lui récitant sa litanie commerciale :
"Nul n'est parfait et nous le savons. Mais tout homme doit se voir offrir une chance de réussir. C'est pourquoi le Centre de Remise à Niveau Esthétique existe. Nous pouvons réparer ces petits défauts qui entravent votre insertion sociale..."
Elle regarde Greg, gênée de constater que les "petits défauts" prennent chez lui des proportions catastrophiques. Elle évalue mentalement les modifications nécessaires et, de plus en plus inquiète, finit par demander :
"Monsieur paiera-t-il ses soins par transfert de crédits ? Il est possible de régler en dix, vingt ou cinquante fois, en fonction de vos moyens. Autant vous prévenir, cependant..."
Greg coupe court aux explications en présentant son papillon jaune.
"Ah ! Une injonction de justice, constate-t-elle, déçue. J'aurais dû m'en douter."
Elle toise Grégory avec mépris, hausse les épaules et quitte sans déplaisir le ton réservé aux clients fortunés." (in "Le souffle").
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