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Critique de Sarindar


Morat (1476) - L'indépendance des cantons suisses de Pierre Streit est la grande réussite analytique d'un événement qui a marqué la ruine du rêve bourguignon de reconstitution au profit de la lignée des Grands ducs d'Occident d'un État médian entre royaume de France et Saint-Empire romain germanique.
Charles le Téméraire, quatrième tenant de la couronne ducale bourguignonne venant de la branche princière issue des Valois, avait réuni plusieurs conditions qui auraient pu lui permettre d'écraser l'armée levée par les cantons suisses : ses forces, composées de dix mille combattants, étaient d'autant plus en mesure d'administrer une sévère leçon à leurs rudes adversaires qu'elles disposaient d'une forte et puissante artillerie, arme dont on avait vu l'efficacité sur les champs de bataille où les capitaines de Charles VII avaient récemment écrasé les armées anglaises dont l'archerie naguère invincible (comme à Crécy et Azincourt) paraissait surclassée par les bouches à feu meurtrières utilisées à présent par les Français, mais aussi d'un bon contingent d'archers anglais dont les services avaient été achetés, ce qui faisait deux bonnes raisons de l'emporter sur les troupes assemblées par les cantons suisses.
Seulement, voilà, le 22 juin 1476, ces dernières, conscientes du danger qui les menaçait, acceptèrent enfin de penser en termes collectifs, malgré des intérêts qui les avaient souvent mis en position de rivalité, et une alliance se souda dans ce combat contre l'envahisseur bourguignon.
Charles le Téméraire se prépare d'autant moins bien à l'affrontement qui se prépare qu'il a réussi l'exploit d'indisposer le puissant Sigismond de Habsbourg, archiduc autrichien, qui avait pourtant un préjugé favorable à l'égard du duc de Bourgogne mais que ce dernier avait perdu d'un coup en ne lui restituant pas certains fiefs dont il avait pris possession sans droit pour l'appuyer dans sa politique du fait accompli.
Les chances paraissaient donc équilibrées entre les forces en présence, et nul ne pouvait présager l'issue du combat qui se préparait, malgré l'avertissement reçu à Grandson quelque temps auparavant par les Bourguignons, qui avaient laissé les Suisses s'emparer du trésor que Charles le Téméraire avait imprudemment emmené avec lui durant sa campagne, voulant sans doute continuer déployer son faste et à impressionner tout le monde alors même qu'il partait à la guerre.
C'est alors que toute la belle machine de guerre bourguignonne et que les mercenaires italiens dont on avait loué les services furent confrontés à une nouvelle tactique appelée à faire ses preuves à l'avenir : l'apparition de formations en carré avec dans les rangs des hommes équipés de hallebardes et longues piques toutes pointes dirigées droit devant, force compacte et inentamable sur laquelle les Bourguignons allaient s'enferrer et s'embrocher. Et voilà comment, d'invincible qu'elle semblait être au départ, l'armée de Charles le Téméraire fut complètement défaite.
Pierre Streit a remarquablement situé l'événement dans le jeu des ambitions bourguignonnes et l'arrêt brutal que celles-ci connurent ce jour-là. Par ailleurs, il a su souligner l'effet fédérateur que la victoire obtenue a pu avoir sur ce qui devait devenir une confédération aux réflexes identitaires renforcés.

François Sarindar, auteur de Jeanne d'Arc, une mission inachevée (2015)
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